J’ai appris, dans les dernières années, à conjuguer avec certains problèmes de santé mentale. Ceux-ci ont parfois frappé très fort ma réalité et mon quotidien. Je pense notamment aux troubles du comportement alimentaires que j’ai réellement développés, il y a plus ou moins six ans. Je dis « réellement » parce que j’avais vécu des épisodes dans lesquels j’étais déjà aux prises avec des comportements issus de ces troubles sans toutefois nécessairement détruire toute ma qualité de vie. Sauf que dans les dernières années, ma relation avec la nourriture s’est dégradée drastiquement et m’a emportée au plus bas de moi-même, c’est-à-dire à un stade où je n’étais même plus capable de prendre soin de moi. Depuis, je mène un combat quotidien contre la maladie. J’ai enchaîné les suivis les uns par-dessus les autres, je les ai parfois mis de côté en croyant que toute cette problématique était derrière moi ou que ma maladie était la seule chose qui n’allait jamais me lâcher dans la vie. Ajoutez des épisodes dépressifs, parfois particulièrement sombres, ainsi que des troubles anxieux qui ont rendu ces années difficiles.
Si je peux tirer du positif de cette période de confinement et de réduction de mes activités quotidiennes, c’est certainement le temps et les efforts que j’ai mis dans mon traitement. Combien de fois me suis-je crue « guérie » de ces problèmes de santé mentale. Avec du recul, beaucoup de peur et d’appréhension, je me rends bien compte qu’une guérison complète d’un trouble alimentaire est un long processus et surtout que ça ne s’effectue pas en quelques semaines de rencontres à l’hôpital.
Vers le milieu du mois de mars, j’étais terrorisée à l’idée de penser que je ne pourrais aller travailler la semaine, étudier les fins de semaine, maintenir une vie sociale parmi les obligations de la vie quotidienne. En creusant, je me suis rapidement aperçue que ce qui me faisait peur était d’être avec moi-même, sans les distractions et les interactions du quotidien. Seule avec les difficultés qui me suivaient depuis des années. Je n’étais pas capable de tolérer ce vide qui m’habite depuis que je suis jeune. Et je n’étais surtout pas capable de le tolérer sans me tourner vers les « solutions rapides et malsaines » que mon trouble du comportement alimentaire me procurait. Six semaines de confinement plus tard, je ne peux pas dire que je suis guérie, ça prendra certes beaucoup plus de temps, de rechutes (fort probablement) et de suivis que cela.
Toutefois, je crois que les suivis et le traitement que j’ai continué de faire durant cette pause de ma vie habituelle m’auront fait le plus grand bien. J’apprends à entrer en contact avec mes émotions, positives et négatives, que j’ai tellement longtemps refoulées. J’apprends également à tolérer les pensées soudaines et souvent irrationnelles qui me viennent en tête et surtout à essayer de les comprendre. J’apprends à intégrer une structure alimentaire non seulement avec les défis de la société actuelle (pas besoin de faire de longues recherches pour tomber sur des articles qui traitent de la peur de prendre du poids durant cette période de confinement), mais je tente surtout d’intégrer cette structure en écoutant mes besoins et mes envies. Parce qu’un trouble alimentaire ne se guérit pas uniquement en faisant manger la personne malade. La personne malade s’est bien souvent infligé de longs et durs moments où son corps, pris en mode « famine », avait bien de la difficulté de continuer à avancer. Alors pour moi, le fait de penser que je travaille à maintenir une structure en écoutant ce que mon corps me dit, c’est assurément l’une des plus grandes victoires des dernières semaines. J’apprends aussi à dire les choses. Dire mes émotions, mes craintes, mes victoires. J’apprends à les dire en me faisant confiance et en légitimant chacun de mes propos.
Qu’en sera-t-il de la suite des choses? Je n’en ai aucune idée. J’ai longtemps eu l’honnête conviction que nous prenons trop peu souvent soin de nous entre le travail, les réalités familiales, les obligations de la vie courante, les loisirs et j’en passe. J’admire d’ailleurs les gens qui réussissent à faire de la place, au quotidien, à l’écoute de leurs émotions et de tout ce qui peut s’en suivre. C’est une des choses qui me fait peur dans le retour à la réalité. Les activités que j’avais l’habitude de faire me manquent terriblement, c’est certain. Mais j’ai peur de perdre les progrès que j’ai faits et les efforts que j’ai mis pour prendre soin de moi. Il me faudra me rappeler tous les jours que je ne veux pas perdre les acquis et les réussites que j’ai vécus ces dernières semaines. Cependant, ce qui me donne espoir est le fait que lorsque tout a été arrêté pour moi, je n’aurais jamais cru être où je suis présentement. Je n’aurais jamais cru que je réussirais à enfiler une structure alimentaire saine plusieurs jours de suite, et ce, en me sentant bien et à l’écoute de mon corps. Dois-je en conclure que la fin de ce confinement, du moins pour moi, m’apportera peut-être d’autres belles victoires? Je ne peux rien prédire, mais je peux certainement assurer que j’ai pris une longueur d’avance sur la maladie qui m’a si longtemps contrôlée. Et ce que j’ai à dire sur ce point, c’est que toute personne qui me connaît bien sait à quel point ma tête dure n’a jamais accepté de se laisser abattre. Alors, je vais tout faire pour conserver les réussites vécues ces dernières semaines et s’il arrivait que je fasse un ou deux pas de recul, je ne ferai que ce j’ai toujours fait jusqu’à présent : me relever et avoir qu’un objectif en tête soit celui de devancer mon trouble alimentaire pour ne plus jamais l’apercevoir lorsque je tournerai la tête en arrière. L’avoir dépassé, et ce, pour de bon.
Justine Arnaudeau
Bravo! Pour ton courage de coucher sur papier ton histoire, tu rock! Ne lâche pas.
merci pour de me partager ton histoire…ca me fait du bien d entendre que je ne suis pas seule!Au travail je suis quelqu un qui rayonne et meme une fille qui fait rire etc,,,Mais a la maison et dans ma tete et mon coeur cela fait des annees que je bas entre debut vingtaine periode de privation et maintenant a 40 ans depuis mere de famille mais a l inverse dans l exces! Quand je perd le controle j essaie de le touver dans la nourriture.Mon reconfort ne dure que tres peut de temps!culpabilite et honte me rattrape depuis deja 2 ans au moins.Je peus dire que mon exces de poid au moins 75 lbs en temoingne!!C est un cercle vicieux dont j espere pouvoir me debarasser un jour.Etre fiere de moi et m aimer autant que je peux aimer les autres~