J’ai un secret. Un gros secret, bien lourd. Aujourd’hui, je m’ouvre le cœur au nom de toutes celles qui souffrent en silence depuis bien longtemps et qui, elles aussi, n’en peuvent plus : je vis avec l’hyperphagie depuis plus de 17 ans.
Un poids, deux mesures
Chez moi, la nourriture a toujours été un sujet brûlant. J’ai grandi avec une mère monoparentale qui avait beaucoup de difficulté à joindre les deux bouts. Ma mère a eu recours à des dépannages alimentaires pour nous nourrir moi et ma soeur, on a mangé beaucoup de pâtes et de soupe. J’ai connu des temps de placards vides et, surtout, j’ai connu des restrictions. C’était le manque d’argent, oui, mais c’était aussi le contrôle d’une mère devenue boulimique après avoir connu l’anorexie pendant son adolescence. Elle avait peur que je devienne grosse. J’étais pourtant une enfant bien normale, en pleine forme, sportive, un peu potelée, mais clairement pas en surpoids.
Un sujet brûlant, parce que j’ai aussi connu les extrêmes. Chez mes grands-parents, c’était l’abondance. D’amour, d’attention et de nourriture. T’as faim? Tu manges! Les deuxièmes portions étaient même encouragées. Mon grand-père, ancien cuisinier, nous faisait découvrir des aliments et des saveurs. Ma grand-maman nous cuisinait les plats les plus réconfortants au monde. Quand on allait à l’école et qu’on avait passé la nuit chez eux, on ouvrait nos boîtes à lunch et on y trouvait des petites souris en radis, des sandwichs en forme de cœur et des gâteries (c’était encore permis dans les écoles, dans mon temps!).
Mieux se comprendre
Bien que j’aie pris conscience de ce schème psychologique il y a tout juste deux ans, pendant l’adolescence, j’ai vite relié nourriture et amour, nourriture et présence, nourriture et bonheur… J’ai donc commencé à manger pour combler l’absence d’amour ou la solitude. Dès que l’ennui ou les sentiments d’être abandonnée, rejetée ou laissée à moi-même se manifestaient, je mangeais. J’ai longtemps dit que la nourriture, c’était comme une grosse doudou confortable. Je n’avais rien trouvé de plus réconfortant que de me remplir le bedon avant d’aller au lit, par exemple, quand je vivais des émotions de mal-être. Ça a fini par prendre toute la place, parce que mon mal-être a pris de l’expansion. J’ai commencé à engloutir de la nourriture jusqu’à être pleine à en avoir mal. Un discours très méchant envers moi-même prenait place lors de mes compulsions alimentaires, et tout mon monde s’est mis à tourner autour de la nourriture. Je me suis mise à vivre une culpabilité immense et à avoir terriblement honte de porter ce secret dans tout mon corps.
Se confier
J’en ai finalement parlé, il y a quelques années, et, à ma grande surprise, il y a eu écoute et empathie à mon égard, et j’ai parlé avec des gens qui vivaient la même chose. J’ai aussi eu l’occasion de lire l’ouvrage de Josée Guérin, Miroir, Miroir, tu me fais souffrir. C’est avec ce livre que mon vrai processus de guérison a débuté. Dernièrement, je me suis aussi ouverte à une professionnelle de la santé, et j’ai compris que d’en parler m’aiderait à avancer encore plus et à trouver mon chemin vers une relation saine avec la nourriture.
Ma mère n’est pas responsable de mon trouble alimentaire. Elle nous a aimés de tout son cœur, et s’est battue et sacrifiée pour nous. Plutôt que d’être une recherche de coupable, mon processus de réflexion m’a permis de faire le bilan. Comprendre mes comportements en retraçant les événements marquants et les personnes qui ont eu une influence sur moi du fait de leur proximité. J’arrive aujourd’hui à en parler ouvertement avec ma mère, qui m’a confié qu’elle avait eu des troubles alimentaires durant l’adolescence. Elle comprend ma souffrance reliée à la nourriture, même si nous vivons des réalités différentes.
« Sois le changement que tu veux voir dans le monde » (Gandhi)
En tant que rédactrice en chef de Boucle Magazine, un webzine qui fait la promotion d’une image corporelle saine et diversifiée, et qui s’associe régulièrement aux initiatives prises en ce sens, j’ai compris toute l’importance d’offrir une voix aux personnes vivant des troubles alimentaires. La solitude a été mon pire ennemi, et de savoir que d’autres personnes vivent des choses similaires m’a permis d’enlever un poids énorme de mes épaules. J’espère que d’autres pourront aussi en bénéficier.
Parlons-en!
Je vous invite d’ailleurs à assister à la table-ronde gratuite offerte par ANEB le 29 septembre prochain, afin de lever le voile sur les troubles alimentaires avec des invités spéciaux et des experts. Vous devez confirmer votre présence avant le 22 septembre à : [email protected] ou par téléphone au : 514.630.0907 (Montréal) / 1.800.630.0907.
Mélanie Galipeau
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