Trop longtemps, mon corps fut mon principal ennemi. Du moins, c’est ce que je croyais. Je vivais dans ma tête, lui, il était seulement un véhicule. Je le voyais laid, trop gros, disproportionné. Même mince, voire maigre, il n’était pas ce que je voulais qu’il soit, il n’était jamais « moi », jamais ce que je voulais être. J’en étais totalement déconnectée et je lui faisais la guerre. Parce qu’il était différent de mes aspirations, parce qu’il n’était pas ce que je voulais montrer. Comme il n’était pas ce que je voulais, je ne pouvais l’aimer et je ne pouvais m’aimer.
Puis, un moment de réflexion. Oui, mon corps est le véhicule en cette vie. C’est avec lui que je vis cette vie. Avant même mon premier souffle, et ce, jusqu’au dernier, il est avec moi, il est une partie de moi. Donc, pourquoi ne pas faire ami –amie avec?
Comment l’apprécier alors, comment entretenir une relation saine avec lui?? Sûrement pas en lui faisant subir les hauts et les bas des régimes, restrictions et obligations qui m’ont mené tout droit dans le gouffre des troubles alimentaires. Ma première étape fut de ne plus l’ignorer et d’apprendre à vivre dedans.
Pour cela, il m’a fallu apprendre à ressentir avec mon corps, à l’utiliser et à apprécier ses facultés. Et surtout, apprendre à lui faire confiance face à ce qui est bon pour lui, à ce dont il a besoin pour fonctionner adéquatement et donc, laisser agir « l’instinct » du corps.
Afin de « vivre dedans en pleine conscience », j’ai débuté par faire des activités qui l’implique, afin de le réapprivoiser. Seul critère : le plaisir! L’activité devait être plaisante à exécuter ou répondre à des envies ou des besoins que j’avais depuis toujours, mais que j’avais tus auparavant, car je mettais mon corps comme principal obstacle. J’ai débuté avec des choses qui me semblaient plus faciles ou abordables pour moi comme la marche. Elle me permettait de relaxer mon esprit et de bouger sans forcer mon corps. Mais j’en profitais pour sentir avec tous mes sens la nature et la vie autour de moi : sentir le vent et le soleil qui caressent ma peau, humer une fleur, apprécier la beauté avec mes yeux, entendre les oiseaux, le son de mes pas et le bruissement des feuilles au vent. Sentir avec tous mes sens : c’est tout cela que mon corps me permettait de faire. Je vivais un peu plus dans mon corps.
Puis, une seconde étape pour moi, un rêve de jeunesse, mais qui me confrontait énormément : je me suis inscrite à un cours de danse. Bien entendu, j’ai été vers une école de danse dont la philosophie me consoliderait dans mes démarches. C’est à ce moment que j’ai fait un pas de géant : j’ai brisé une barrière psychologique. J’avais toujours voulu danser, mais je remettais cela au jour où mon corps serait « beau et parfait ». Je n’étais pas la plus douée et j’aurais pu tout lâcher, mais j’ai appris à danser pour moi, par plaisir et pour le bien-être personnel que cela m’apportait. Je me suis rendu compte que, ce qui rend le danseur/danseuse beau n’est pas son corps comme tel, mais le mouvement et l’aisance avec laquelle il/elle se déplace, qu’il/qu’elle effectue les mouvements. Et petit à petit, j’ai été en mesure d’aimer davantage mon corps, de vouloir en prendre soin, de prioriser ma santé physique et mentale plutôt que l’image que je projetais.
Évidemment, c’est un travail au quotidien et probablement, un travail d’une vie. Ce n’est pas toujours facile de rester connecté à soi et à ses véritables besoins. Ce n’est pas toujours facile d’accepter que notre corps soit ainsi et qu’il ne fasse pas partie du 5 % de la population avec une taille de guêpe. Cependant, je considère toutefois que cela en vaut bien la peine. Et surtout, je me rappelle que le bonheur n’a rien à voir avec un chiffre, peu importe le chiffre.
Auparavant, je considérais mon corps comme une entrave à ma liberté. À cause de lui, je me privais de sortie, de plaisirs, de VIVRE. Je me suis rendu compte qu’il doit me libérer, me donner la liberté : liberté de mouvement, liberté de m’exprimer, liberté de me déplacer. Il me donne la liberté d’être vraiment moi.
Nancy Lévesque
Merci beaucoup pour ce témoignage Nancy, c’est très touchant et tu as pleinement raison. Un corps ce n’est pas seulement fait pour être beau, c’est fait pour être utile et nous procurer de la joie ! Manger, danser, marcher, faire l’amour… il y a aussi tout cela. Pourtant, c’est effectivement difficile de garder cela à l’esprit, merci pour ton texte :).