L’anorexie est juste un chapitre de ma vie, non pas le livre entier.
Un bon chapitre parce que 22 ans de trouble alimentaire, ça en fait des pages et des mots, mais ce reste tout de même qu’un chapitre.
J’ai tellement pensé que je m’en sortirais jamais que j’ai tenté d’en faire la trame de ma vie. Je me suis tellement cachée derrière une certaine identité “ anorexique “ que j’en ai oublié qui j’étais vraiment.
Ce qui est dur en rémission après autant de temps à vivre malade, à penser malade, à se conditionner malade, c’est de se redécouvrir. Ses goûts, ses envies, ses désirs. Au-delà du trouble alimentaire.
J’ai découvert dernièrement que j’avais aucune idée de ce que goûtait des côtes levées, de l’hummus, de la moussaka, un fruit de la passion, etc. Parce que pendant que la terre continuait de tourner, moi je restais prisonnière de mes habitudes réglées au quart de tour. Sans jamais y déroger. Exit les nouveautés, exit les risques ou juste oser… non moi j’aimais mieux rester cloîtrée dans mes bonnes vieilles manies.
Et c’est la même chose pour les envies et les désirs. Quoi de mieux que de laisser la maladie dicter ce que je désirais faire ou ce que je préférais. Aucune question à se poser. Tout était clair. Aucune ambiguïté.
Changer tout ça fait horriblement peur. Parce que le nouveau chapitre est entièrement vierge et qu’actuellement je n’ai aucune idée de ce qui va s’y inscrire. Comme j’ai l’impression de ne pas vraiment me connaître parce que ça fait si longtemps que je me suis quittée.
Mais c’est possible. Tout doucement. Peut-être en goûtant des cotes levées, de l’hummus, de la moussaka, des fruits de la passion… peut-être que je vais m’apercevoir que j’aime ça… ou pas. Mais je saurai que j’écris alors un nouveau chapitre et que l’ancien est bel et bien terminé. On n’y retouchera pas.
– Sophie
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