Ça mange beaucoup. Trop, dirait-on. Annie arrête à l’épicerie tous les matins pour acheter ses provisions de la journée, après être allée reconduire ses enfants à l’école. Elle a choisi de rester à la maison pour prendre soin de ses enfants. Elle s’ennuie, elle ne se reconnait pas. Julie, elle, se cache dans le garde-manger quand ses enfants et son conjoint sont occupés afin d’engloutir une poignée de croustilles par-ci et quelques biscuits par-là. Souvent. Mais toujours par petites portions afin que les autres ne s’en aperçoivent pas, que ça ne paraisse pas. Elle est surchargée, hyperactive et hyper-responsable. Elle voit à tout et s’occupe de tous. Jean, quant à lui, mange depuis que sa femme est décédée. Il a pris soin d’elle durant des mois. Elle lui manque. Il doit maintenant se reconstruire… sans elle. Suzie, elle, se dépêche d’avaler une boîte entière de gâteaux au chocolat avant que ses enfants ne reviennent de l’école. C’est son moment à elle, seule, loin du tumulte et de ses responsabilités de mère. Son conjoint est peu présent.
Leur point commun : la nourriture, certes. Mais surtout une souffrance intérieure, profonde. Une fragilité lointaine. Pour les uns, une enfance malheureuse, des responsabilités qu’un enfant ne devrait pas avoir, des blessures relationnelles, une mère peu affectueuse, un père alcoolique… Pour les autres, un corps hors normes, des moqueries «sans conséquence»… Pour tous, une longue histoire de régimes, un corps fatigué d’un stress perpétuel… pour avoir le «bon corps», celui qui les rendra aimables aux yeux de leurs parents, de leurs amis, celui prescrit par les professionnels de la santé, par les diktats de la mode.
De plus en plus de personnes se reconnaissent dans ces comportements, dont les manifestations apparaissent en moyenne vers l’âge de 25 ans, et ce, chez les hommes et chez les femmes. Il s’agit pourtant d’un trouble encore méconnu des professionnels de la santé et des services sociaux, qui peuvent l’associer à de la gourmandise et à un manque de discipline. Pour les personnes atteintes, qui doivent souvent affronter l’incompréhension et les jugements de leurs proches, mais aussi des professionnels, cette méconnaissance peut blesser et porter à s’isoler davantage, aggravant ainsi la détresse.
L’hyperphagie boulimique, c’est aussi un trouble qui vient d’être reconnu comme un trouble des conduites alimentaires à part entière. Plus répandu que l’anorexie et la boulimie. La personne qui en souffre est sujette à des rages alimentaires, appelées compulsions ou boulimies, qui surviennent de façon régulière et en l’absence d’une sensation physique de faim. L’hyperphagie boulimique s’apparente à la boulimie, mais contrairement à celle-ci, la personne hyperphagique ne recourt pas aux méthodes compensatoires, telles que les vomissements, les laxatifs ou l’activité physique. Néanmoins, la personne atteinte de ce trouble alimentaire expérimente une souffrance importante, de la honte et tend à s’isoler d’une façon similaire à l’anorexie et à la boulimie.
Pour Annie, Julie, Jean et Suzie, le rétablissement est possible. Bien sûr, il faut réapprivoiser son corps et développer une relation harmonieuse avec la nourriture. Mais il faut surtout apaiser le cœur et combler les vides de sa vie. Afin que nous soyons tous sensibilisés à cette souffrance, je vous invite à prendre connaissance des témoignages de Geneviève, de Nancy, de Jacques et de Juliette dans notre prochain billet de blogue consacré à l’hyperphagie boulimique.
Si vous vous reconnaissez dans cet article ou si vous désirez en savoir davantage sur ce trouble alimentaire, n’hésitez pas à me contacter :
Judith Petitpas
Travailleuse sociale, M. Serv. soc.
418 576 0999
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