À l’âge de 16 ans, une partie de moi s’est écroulée, je vivais de l’anorexie. J’avais des objectifs très malsains en ce qui a trait à mon poids, ce qui avait pour conséquence une mauvaise estime de moi et une harmonie inexistante avec mon corps. Comme je croyais qu’on ne pouvait pas m’aimer si je n’atteignais pas le poids désiré, je m’excluais moi-même des relations avec des amis. Je m’isolais dans la perspective qu’on ne m’aimerait pas de toute manière, mais aussi parce que l’amitié proche pouvait me nuire dans mes projets de perte de poids. En effet, un bon ami m’aurait tout de suite posé des questions sur mon alimentation, à savoir si j’étais heureuse dans la vie. Le problème était là. J’étais bien malheureuse. Mais je ne voulais pas qu’on le sache. Le bonheur allait arriver avec la perte de poids et personne ne devait me faire déroger de ce plan.
Cependant, j’ai réalisé, quelques années plus tard, lorsque la boulimie faisait des siennes dans mon corps, que je n’allais pas pouvoir maintenir ce mode de vie si j’aspirais à être heureuse. Les troubles alimentaires font des promesses qu’ils ne peuvent pas tenir: « Tu seras heureuse lorsque tu auras le contrôle ». J’ai compris que j’étais la personne qui allait m’aider à m’en sortir en même temps que la personne qui se maintenait dans le problème. Je devais donc m’allier de partenaires qui allaient m’aider à départager les deux rôles que je campais: donner de l’importance à celle qui veut s’en sortir et délaisser celle qui voulait prendre le contrôle, rester dans le trouble alimentaire.
J’ai longtemps douté sur le fait que je pourrais avoir de bons amis à qui me confier. Je croyais que je n’avais que du vécu négatif, que des sujets de conversation limités et qu’on ne m’aimerait pas en tant qu’amie à cause de ça. Je me trompais. Il y avait en moi, à mon insu à ce moment là, une personne riche, brillante et amusante.
J’ai d’abord eu la chance d’avoir deux relations amoureuses dans lesquelles je pouvais dire ce que j’avais vécu et ce que je vivais par rapport aux troubles alimentaires. Je ne parlais pas souvent de mes émotions, mais juste le fait de savoir que l’autre m’acceptait même avec ce que je vivais me sécurisait.
Je travaille dans le milieu de la santé et dans un milieu prônant les relations interpersonnelles, le mieux vivre et le mieux-être de façon proactive. Deux collègues m’ont aidé soit en parlant, en essayant de me comprendre et d’apprendre, ou encore en m’aidant à restructurer ma perception de la nourriture dans ma vie.
J’ai eu deux amis avec qui je pouvais discuter de mes états d’âme, mais une seule a été en mesure de constater l’ampleur de ce que je vivais puisque nous habitions ensemble. Là où habituellement mes masques tombaient, elle y était. Et sans avoir eu besoin d’en parler, de façon spontanée et volontaire, elle prenait soin de moi, s’inquiétait pour moi et m’écoutait. C’est d’ailleurs elle qui m’a fait comprendre, lorsque j’étais au plus bas et que la vie ne m’importait plus, que j’étais attendue à la maison: qu’on m’aimait, moi, sans rien de plus ou de moins.
Les quelques personnes clés qui ont contribué à mon rétablissement ont été mes piliers. Si ma vie était une maison, ma volonté de m’en sortir serait ma fondation puisqu’elle représente mes valeurs, ma détermination et mon positivisme. Mes piliers, ces personnes clés, sont ce qui me permettait de construire des murs solides autour d’eux et un toit étanche. Maintenant que ma maison tient debout, je peux vivre sans craindre qu’elle ne s’effondre à nouveau.
Marie-Lou