Que signifie le mot ANA; il est le petit nom affectueux donné à l’Anorexie par celles ou ceux qui en souffrent. Ce petit nom revêt à l’Anorexie un côté intime, chaleureux, réconfortant, nous donnant l’impression qu’elle est notre amie, notre alliée et qu’elle est un choix de vie, et non une maladie.
Je tiens à commencer ce texte, en tentant de sensibiliser les gens sur ce point précis; l’Anorexie est une maladie, elle n’est pas une lubie d’adolescente qui souhaite seulement être mince. L’anorexie vient masquer une réelle souffrance, une haine envers soi-même, un dégoût profond de notre personnalité, le sentiment d’être indigne d’amour, la peur du rejet et de l’abandon. Elle est un phare, un repère, pour ceux qui ne trouvent pas leur place dans la vie, elle vient donner un sens à notre existence. Elle nous permet aussi de nous tuer à petit feu, tuer cette haine, cette amour de soi broyé, disparaître….
J’ai souffert d’anorexie de 24 à 27 ans, j’ai un baccalauréat et je suis travailleuse sociale en santé mentale. Vous voyez quand je disais que ça peut toucher tout le monde. Croyez-moi, ce ne fût pas un choix éclairé, j’ai toujours aimé manger et je suis tombée tout de même dans l’enfer de l’anorexie, ayant trop de cicatrices sur mon âme, trop d’émotions refoulées. J’ai décidée de disparaître petit à petit, j’étais maigre, invisible, faible, sans émotion, sans intérêt, ma vie était centrée sur la nourriture, sur mon poids, sur ma destruction…
Dit ainsi, la question se pose ; est-ce possible de se rétablir de l’anorexie, de vivre sans elle qui nous tient main dans la main pour affronter tous les obstacles?
Je me suis levée un beau matin avec l’idée que la réponse était oui. Épuisée d’être l’ombre de moi-même, d’être malade, d’être coupée de mes émotions et de celles des autres, minuscule, seule au monde, souffrante, j’ai réalisé que j’étais sur le point de mourir.
Mon choix a été la vie…
Cela fait maintenant 8 mois que j’apprends à vivre, que j’apprends à être libre de mes choix, à penser, à décider, à ressentir, à m’aimer et à accepter que l’on peut m’aimer telle que je suis.Je ne serais pas honnête en disant que c’est facile, c’est un combat de tous les jours, un deuil, le deuil de ma meilleure alliée pour être invisible dans ce monde si menaçant; ANA.
Mais la vie vaut-elle le coup d’être vécue, si nous n’existons pas, si nous sommes morts à l’intérieur de nous, si nous essayons de nous tuer à petit feu un peu plus chaque jour. Oui, cela nous protège des autres, mais de quoi avons-nous peur?? D’être rejetée, de ne pas être aimée, de ne pas se sentir valorisée, alors qu’ANA nous réconforte et nous fait sentir forte; forte de résister, d’être différente, de contrôler notre existence.
Ces pensées je l’ai eues pendant plus de deux ans, envahissantes et persistantes dans ma tête, comme un refrain de chanson qui ne veut pas partir et qui joue, et rejoue et finit par contrôler/diriger toutes nos actions. Aujourd’hui je sais que je n’avais aucun contrôle, sauf sur mon poids. Je ne contrôlais plus mes émotions, les autres n’arrivaient pas à m’atteindre et tout était futilité pour moi. Comment alors être aimé des autres, dégager de l’empathie, de l’amour, être authentique, se respecter et se faire respecter, si nous nous mentons et nous cachons sous un énorme masque de protection qu’est l’anorexie.
Aujourd’hui, je suis fière d’apprendre à être moi-même, je me respecte davantage et je permets à mes émotions d’exister, même si parfois elles me gênent et j’aimerais les faire taire. Il y a d’autres moyens pour s’exprimer que l’autodestruction pour moi ce fût l’écriture et l’art. La souffrance quitte peu à peu mon corps, l’angoisse et la peur quittent peu à peu mon esprit. Je me sens libre de prendre des risques et de profiter de chaque moment, plutôt que de regarder défiler la vie devant moi.
Je lance un message à toutes celles et ceux qui vivent le cauchemar d’un trouble alimentaire, il y a de l’espoir, nous pouvons vivre à nouveau et devenir NOTRE meilleure alliée. Il suffit d’y croire et de risquer la vie à tous les jours, faire confiance entre notre intuition, nos besoins, nos capacités, en mangeant et en profitant du moment présent.
Moi je choisis cette voie, je sais que j’aurai des obstacles à surmonter, des émotions à gérer, des tempêtes à vivre, mais j’ai confiance en moi de pouvoir me relever si cela se produit. Je choisis une vie stimulante, remplie d’imprévus, de surprises, de risques, plutôt qu’une vie rigide, contrôlée, souffrante et sans plaisir.
Alors je te dis aurevoir ANA, car oui je peux vivre sans toi et je me choisis MOI.
Julie Lévesque