Il y a toujours un moment dans la vie de chaque femme où l’on s’arrête pour se poser LA question : être maman ou ne pas l’être. Pour certaines, la réponse à cette question est claire depuis toujours et pour d’autres la réponse n’est pas aussi évidente. Peu importe le cheminement que l’on fait pour en arriver à décider que le temps est venu de fonder une famille et d’emboîter le pas vers notre nouveau rôle de parent, le trajet pour y arriver peut parfois être parsemé d’embûches et ce, d’autant plus si l’on souffre d’un trouble alimentaire. Je ne dis pas qu’il sera impossible pour une femme souffrant ou ayant souffert d’un trouble alimentaire de vivre l’expérience de la maternité, bien au contraire. Le but étant plutôt de mettre de côté la pensée magique que l’on peut tomber enceinte à partir du moment où on le désire, et d’être prêt à faire face à l’adversité au besoin.
Parler de problèmes de fertilité n’est jamais un sujet facile à aborder; ce l’est encore moins lorsque cette « dite » infertilité peut avoir été causée par des années des restrictions et de comportements alimentaires nuisibles. Le but n’est pas de culpabiliser qui que ce soit mais plutôt de souligner les épreuves auxquelles ces femmes peuvent avoir à faire face au cours de leur cheminement, et ainsi, être davantage sensibilisé à une facette différente de l’infertilité.
Il va sans contredit que les troubles alimentaires, surtout l’anorexie restrictive et l’anorexie avec boulimie et purges, amènent son lot de conséquences physiologiques sur le corps de la femme. L’une d’entre elles est l’aménorrhée, ou l’absence des menstruations. Mais attention! Absence de règles ne signifie pas systématiquement infertilité, et pour les femmes qui ne désirent pas concevoir, il est important de prendre les mesures nécessaires pour éviter la grossesse. Il est par ailleurs important de préciser que certains comportements compensatoires, tels que les vomissements, peuvent diminuer, voire même rendre inefficace la prise d’anovulants oraux. Le corps est une machine intelligente, et il a créé, au fil de l’évolution, des mécanismes d’adaptation pour répondre aux différents manques créés par certains comportements. Cependant, comme toute machine, il a ses limites, et plus on le fait travailler, plus son usure se fait prématurément. D’abord, un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 18,5, correspondant à une insuffisance pondérale, est habituellement considéré comme un facteur de risque pour les problèmes de fertilité. Souvent associée à la dénutrition, l’insuffisance pondérale peut engendrer l’aménorrhée ainsi que des dérèglements hormonaux. Ces dits dérèglements hormonaux peuvent être nombreux et sont souvent présents chez les personnes souffrant d’un trouble alimentaire. Les femmes souffrant d’un trouble alimentaire peuvent ainsi présenter un dérèglement au niveau de l’hormone GnRH, laquelle joue un rôle primordial dans la régulation du cycle menstruel ainsi que dans l’ovulation. De plus, il est important de savoir que les hormones sexuelles, telle que l’œstrogène, sont fabriquées à partir du cholestérol, qui lui est déficient, voire absent, chez les personnes qui sont en état de dénutrition.
À quel moment peut-on consulter dans les cliniques spécialisées pour un trouble de la fertilité?
Les couples peuvent débuter leurs démarches en cliniques de procréation assistée après une année ou plus de rapports sexuels réguliers, sans contraception et avec le même partenaire, sans toutefois réussir à concevoir un enfant. Je crois qu’il est important de souligner que de récentes études ont démontré que jusqu’au quart des patientes qui consultent pour des problèmes de fertilité souffriraient d’un trouble alimentaire, diagnostiqué ou non. Avant de débuter le calcul des cycles menstruels, les injections quotidiennes d’hormones, les ponctions d’ovules, les inséminations et j’en passe… il est primordial d’adresser la situation du trouble alimentaire avec son professionnel de la santé. Bien entendu, le gynécologue ou l’obstétricien aura aussi son rôle à jouer dans le « dépistage » du trouble alimentaire ayant pu mener à la consultation en fertilité. Cependant, la réalité étant ce qu’elle est, si ce dernier ne vous questionne pas sur votre relation à la nourriture, ne vous questionne pas quant à la présence ou non d’un trouble alimentaire, il est préférable de lui en parler! De ce fait, votre suivi sera adapté à votre situation et les professionnels pourront vous soutenir pour passer à travers cette période de stress et de changements majeurs. Outre les professionnels de la santé, la ligne d’écoute d’ANEB demeure toujours une ressource à laquelle on peut se référer au besoin afin d’adresser vos craintes, inquiétudes ou simplement pour ventiler sur vos différentes préoccupations en lien avec les troubles alimentaires.
Par contre, il est important de garder en tête qu’avec le rétablissement du trouble alimentaire, s’accompagne généralement un retour à la fécondité, et qu’il existe de belles histoires de grossesses et de maternité en santé pour toutes les femmes, même pour celles souffrant de troubles des conduites alimentaires.
Magali Aumont, inf (stagiaire B.Sc. inf chez ANEB)
Merci à notre bénévole Dominique Laliberté pour son aide à la relecture du texte.