Mythe: les troubles alimentaires ne touchent que les femmes
Dans l’imaginaire collectif, les hommes sont généralement mis de côté lorsqu’il est question de troubles alimentaires (T.A.). En effet, on peut constater leur absence, notamment à la télévision et au cinéma, où les personnages souffrant de troubles alimentaires sont habituellement incarnés par des jeunes femmes. L’association entre la maladie et le sexe féminin s’est installée comme un automatisme, puisque c’est l’image qui nous est constamment renvoyée.
Réalité: hommes et troubles alimentaires se conjuguent fréquemment
En revanche, les recherches démontrent que certains troubles alimentaires sont répartis de manière équivalente, et ce, sans égard au sexe. C’est le cas, entre autres, de l’hyperphagie boulimique (compulsions alimentaires sans comportement compensatoire) et de troubles non spécifiés comme la bigorexie (obsession de la musculation). Dans cette optique, pourquoi la représentation sociale des troubles alimentaires ne reflète-t-elle pas cette réalité? Essentiellement, les troubles précédemment nommés sont méconnus et l’intérêt porté envers ceux-ci n’est que récent. À titre d’exemple, le diagnostic de l’hyperphagie boulimique n’a été reconnu officiellement qu’en 2013, malgré le fait que ce trouble touche environ 10 % de la population générale.
Ce constat ne doit pas nous faire basculer vers la création d’un nouveau stéréotype. En ce sens, ma crainte est que ce soit le seul visage que l’on donne aux T.A. chez les hommes. Il peut sembler plus facile de concevoir qu’un homme soit axé vers l’obsession du muscle plutôt que vers des comportements anorexiques ou boulimiques. Ainsi, il est possible que les hommes ne cadrant pas avec cette image puissent vivre une détresse liée à un sentiment de marginalité au sein même du T.A.
Pas toujours facile, la demande d’aide!
Dans un premier temps, il peut être plus difficile pour les hommes et leur entourage de déceler cette problématique. La peur du jugement est susceptible de peser sur ceux-ci, notamment en raison de l’existence de l’étiquette de la maladie « de fille ». Un sentiment de honte ou de culpabilité peut s’ensuivre.
Dans un second temps, l’action de demander de l’aide représente un défi important. Cela s’explique principalement par la socialisation qui est très différente entre les hommes et les femmes. Généralement inconsciente, cette dernière hisse des comportements au rang de qualités et trace ainsi le portrait d’un idéal de la masculinité qui imprègne les exigences sociales. Plus les exigences de cette socialisation sont intégrées, plus les obstacles à la relation d’aide sont nombreux. La figure suivante permet d’illustrer ce contraste.
Suggestions de pistes d’intervention
- Prendre conscience que la demande d’aide arrive généralement à un moment critique. Reconnaître le courage issu de la démarche.
- Accepter que l’expression des émotions puisse être différente. Démontrer une capacité à tolérer les tensions engendrées par l’irritabilité, l’impatience et l’agressivité en les désamorçant.
- Approfondir les émotions en tenant compte des signes physiques ou comportementaux. Contextualiser, utiliser des analogies et des outils concrets. Éviter de transposer uniquement les méthodes d’intervention utilisées auprès d’une clientèle féminine.
Suggestions pour de meilleures pratiques en termes d’éducation et de sensibilisation liées aux troubles alimentaires
- S’assurer qu’on ne féminise pas notre discours lorsqu’on aborde les troubles alimentaires. Illustrer un pendant masculin dans les exemples. Ne pas minimiser l’impact de la maladie chez les hommes lors de présentation de statistiques.
Gabrielle Poliquin, stagiaire en travail social chez ANEB