En tant que personne qui s’est rétablie de son trouble alimentaire, le film To The Bone (v.f Jusqu’à l’os) m’a grandement intriguée. Il y a quelques semaines, j’ai vu la bande-annonce pour la première fois apparaître sur mon fil d’actualité et, un peu comme tout le monde, je me demandais ce qu’ils allaient faire avec ça et surtout comment ils allaient faire. Les acteurs choisis pour le film ont de nombreux fans et c’est un film diffusé par Netflix… Beaucoup de gens allaient le voir et plusieurs d’entre eux allaient être interpellés par l’histoire, soit en tant que proche, soit en tant que personne qui en a déjà souffert ou qui en souffre présentement.
C’est toujours un peu difficile de faire un film sur une maladie aussi complexe et individuelle, mais je pense que c’est important d’avoir un regard critique et d’être prudent(e)s quant à son visionnement. Je savais que le film n’allait pas être parfait. J’avais beaucoup d’attentes et je me demandais quel était son but: était-ce d’éduquer les gens sur la maladie? Lorsqu’on aborde un sujet aussi délicat, il faut prendre conscience de certains aspects entourant la production du film. Mon but aujourd’hui est de vous aider à réfléchir sur le sujet. Je ne suis pas ici pour critiquer le film, mais bien pour rectifier certaines pensées que vous auriez pu avoir à la suite du visionnement.
Je dois avouer que j’ai été un peu déçue. Je pense que cela est partiellement dû au fait que j’avais beaucoup d’attentes pour le film, mais je pense aussi que certains éléments auraient pu être abordés autrement.
J’ai quelques points à apporter, mais je dois dire que la majorité de mon article s’adresse aux personnes qui souffrent d’un trouble du comportement alimentaire.
Si vous avez visionné ce film et que vous avez trouvé ça difficile, c’est normal. Je comprends. Le film contenait des scènes difficiles à regarder et comportait quelques éléments qui peuvent être assez confrontants. Si jamais vous avez l’impression que vos pensées malsaines sont pires et/ou plus fréquentes depuis que vous avez visionné le film, je vous invite à appeler à la ligne d’écoute d’ANEB (numéro que je serai certaine de vous donner à la fin de mon article).
J’aimerais donc faire un « retour à la réalité » pour vous, parce que je sais que lorsque les pensées embarquent, c’est difficile de les faire arrêter.
Je veux vous rappeler certaines choses :
Premièrement, un poids dangereusement bas, des vêtements trop amples et des os saillants ne sont pas des prérequis pour être considéré(e) « assez malade». Tu es assez malade pour la simple raison que tu souffres et que ta souffrance est valide, peu importe ton poids. Tu n’as pas besoin de perdre X lbs pour avoir de l’aide, du soutien ou pour être considéré(e) malade. Oui, certains corps qui n’étaient pas considérés en sous-poids sont apparus ici et là pendant le film, mais la majorité de l’histoire tournait autour d’Ellen (Eli) et c’est important de savoir que son corps n’est pas le SEUL type de corps que peut avoir une personne aux prises avec un trouble alimentaire. Chaque personne a un corps différent et chaque personne vit le trouble alimentaire différemment. Tu mérites de l’aide et de la reconnaissance, peu importe le poids sur la balance. Tu n’as pas besoin d’être considéré en sous-poids pour valider ta souffrance.
Ensuite, le traitement du trouble alimentaire est différent de ce que l’on a vu dans le film. J’ai été traitée au Québec et à ma connaissance, ce type de centre n’existe pas ici. Je dois quand même mentionner ceci: les unités de soins ne sont pas des endroits où l’on développe des relations amoureuses et où on se fait des partys avec de belles lumières et des beaux couchés de soleil, avec une cour grandiose illuminée comme un conte de fées. Les centres sont des endroits éprouvants et je dois avouer que oui, c’est vrai qu’on développe souvent de belles relations et on s’attache aux gens autour de nous dans des circonstances aussi difficiles, mais j’ai l’impression qu’ils donnaient pratiquement l’envie d’y aller. La réalité c’est que souvent on se sent incroyablement seul(e). Si tu as regardé le film et que tes pensées sont allées vers « c’est pas si pire que ça », détrompe-toi parce que ce n’est pas une reproduction exacte de ce qu’est la réalité. Les troubles alimentaires ont des conséquences physiques, psychologiques et sociales graves. Pour ceux et celles dont la santé physique et/ou mentale nécessite une hospitalisation, l’expérience peut être désagréable et confrontante.
De plus, la méthode utilisée au centre Threshold n’est pas la méthode utilisée dans la majorité des hôpitaux et des centres au Québec. Pour être honnête, « eat whatever you want » lors des repas, sans aucune supervision, me semblait un peu irréaliste lorsque j’ai écouté le film. C’est vraiment important de comprendre que ce n’est pas tout le monde qui peut s’en sortir de cette façon. Il y a plusieurs moyens de s’y prendre, celui illustré dans le film n’est pas le seul et chaque personne a des besoins différents. Les soins dispensés ainsi que les approches et techniques employées dépendent de plusieurs facteurs, notamment l’âge de la personne, ses besoins, son état de santé physique, etc.
Si tu es comme moi, tu as pris le temps de t’informer sur les acteurs et sur le tournage de ce film. Il est IMPÉRATIF pour moi de dire ceci: ils ont mentionné à plusieurs reprises que Lily Collins (Eli) avait perdu du poids « sainement » et qu’elle était surveillée et qu’il n’y avait pas de danger imminent pour sa santé. S’IL Y A UNE CHOSE DONT J’AIMERAIS QUE TU TE SOUVIENNES C’EST CECI : il n’y a pas de façon « saine » de perdre du poids volontairement, lorsque l’on se rétablit d’un trouble alimentaire. Lily Collins a déjà souffert d’anorexie dans le passé et demander à ce qu’elle perde du poids pour le rôle et mentionner que ça a été fait de façon « saine » est dangereux comme message et très inquiétant. Ce n’est pas un exemple à suivre et ce n’est pas parce qu’elle a été capable de le faire (sous supervision) que tout le monde peut le faire et ce n’est certainement pas encouragé. De plus, elle aurait pu rechuter dans la maladie suite au tournage du film. Choisir une actrice qui a déjà eu un trouble alimentaire et lui faire perdre du poids pour jouer le rôle d’une fille qui souffre d’anorexie est très risqué.
J’aimerais également ajouter ceci: tu n’as pas besoin de quelqu’un pour te lancer dans le processus de guérison. Eli et Luke développent un lien affectif assez fort lors de leur traitement et cela semble grandement aider Eli à trouver la force de manger. Bien que ce soit le cas pour certaines personnes, ce n’est PAS le cas pour tout le monde et la guérison, bien souvent, ne dépend pas des autres. Bien que le soutien et l’amour des gens qui nous entourent peuvent être particulièrement aidants, il importe de savoir que ton rétablissement t’appartient. Tes proches et ton équipe traitante sont là pour t’accompagner dans le processus, mais les victoires et les réussites t’appartiennent. Tu dois aller chercher l’aide dont tu as besoin et choisir le rétablissement pour toi, pas pour les autres. Tu n’as pas besoin de quelqu’un pour venir te « sauver » et l’amour de quelqu’un ne te donnera pas nécessairement le goût de te rétablir automatiquement. Souvent, lorsque je commençais à sortir avec mon copain on me disait: « Ça doit tellement être plus facile depuis que tu es avec lui » et cela minimise TELLEMENT tous les efforts que j’avais mis afin d’aller mieux. Et au contraire de ce que les autres pouvaient dire, j’étais en santé bien avant de le rencontrer et ce n’est pas lui qui m’a « guérie. »
Je souhaite aussi ajouter un dernier point. Ils n’abordent pas la difficulté d’avoir de l’aide et d’accéder au traitement dans le film et je sais que c’est la réalité pour plusieurs personnes ici. Aux États-Unis, les prix pour accéder aux soins sont astronomiques. Ici, au Québec, les listes d’attentes sont parfois assez longues et ça semble parfois tellement compliqué d’avoir l’aide dont on a besoin (et ça peut également être très coûteux). On doit souvent passer par mille chemins et cela peut parfois être décourageant. Et je peux comprendre ta frustration quand tu as vu à quel point elle a eu accès à un centre spécialisé avec un psychologue renommé aussi « facilement » (j’étais frustrée aussi), mais il ne faut pas se décourager quant au processus parce que c’est important de se rappeler qu’on le fait pour une raison. Oui, c’est parfois compliqué, mais on parle de ta vie et de ta santé. Le temps et les efforts vont en valoir la peine. Je sais que c’est difficile et, souvent, cela paraît interminable, mais il y a une lumière au bout du tunnel et c’est à ça qu’il faut s’accrocher.
Pour terminer, le rétablissement du trouble alimentaire est possible. Entièrement et complètement. On peut se rétablir d’un trouble alimentaire et ne plus vivre avec les pensées malsaines et les comportements compensatoires. On peut s’en sortir et c’est important de s’accrocher au fait que l’on peut guérir de cette maladie et que tout ce que tu fais, tu le fais pour une raison.
Si tu as trouvé le film ou cet article confrontant et que tu as besoin de parler, tu peux téléphoner à la ligne d’écoute aux numéros suivants:
Pour les résidents de la région de Montréal:
sans frais au 514 630-0907
Pour les résidents des régions à l’extérieur de Montréal:
sans frais au 1 800 630-0907
Un service de clavardage pour les jeunes de 14 à 18 ans avec un intervenant est aussi disponible sur le site www.anebados.com .
Merci d’avoir lu jusqu’ici et continue de persévérer dans l’adversité. Je sais que ce n’est pas facile, mais je mets l’emphase sur ceci: le rétablissement est possible. Ce n’est pas toujours évident, mais tu es incroyablement courageux et tu fais preuve d’une grande patience. Tu es fort et résilient.
Élyse xxx
Bonjour,
J’ai bien aimé ton article et moi aussi j’ai souffert et je souffre toujours d’un problème alimentaire.
C’est la première fois que je répond à un article mais je souhaitais souligner certains points.
Tu as apporter des arguments intéressants. Par contre je ne suis pas d’accord avec toi sur certains points.
Premièrement, au début de ton article où tu disais qu’il ne faut pas être très minces pour avoir un problème. Je crois, au contraire, que le réalisateurs à voulu exactement montrer cela en ayant différents type de poids dans le casting des acteurs. Il y a des personnes ayant un surplus de poids, des personnes étant très minces et aussi des gens ayant un poids qui semblait très »sain ». Il y avait des personnes plus âgées et une jeune fille très jeune. Le réalisateur à même pris la peine d’ajouter une homme à la distribution pour démontrer qu’il existe toutes sortes de types de problèmes alimentaires, pour différents types de personnes. Je crois que son point était justement de démontrer la diversité des troubles alimentaires.
Aussi, tu dis que le message démontré par le film est qu’elle se rétablis à cause de son amour pour le jeune homme. Je crois au contraire, que c’est comme le docteur à dit. Qu’il faut laisser une personne atteindre le fond pour que celle-ci réalise qu’elle doit guérir. C’est ce qui arrive à Ellen durant le film. Ce n’est aucunement à cause du lien d’amour qu’elle est entrain de développer.
Aussi, tu dis que l’endroit à l’air très accueillant où les gens se font traiter. Je crois que l’aspect du sentiment est bien représenter dans le film. Avec les filles qui se mentent par rapport à leur moyen de compensation et par leurs petits mensonges.
Je sais que le film n’était pas parfait et je suis consciente que la perception de celui-ci varie d’une personne à l’autre.
Par contre, selon moi, je crois que tu as oublié de mentionner les bons coups du réalisateurs et que tu ne t’es concentré que sur les mauvais.
C’est mon opinion et cet article était la tienne et je la respecte grandement.
Je voulais simplement te partager ma vision du film pour que tu puisses voir peut-être d’une autre manière certains aspects de celui-ci.
Je te souhaite de passer une très belle journée,
Justine
Le
Quel bon texte qui nous fait prendre conscience de bien des choses même si on ne souffre pas de trouble alimentaire. Merci!
Merci Élyse pour TOUT ce que tu fais.
Tu entretiens mon ESPOIR / my HOPE .
Merci chère Élyse xx
Pour ma part, ce film m’a fait du bien. Je souffre de troubles alimentaires depuis 20 ans et, comme beaucoup d’autres personnes, je n’ai pas l’aide dont j’ai besoin. Je suis constamment mise sur des listes d’attentes ou alors on minimise mon problème en me disant que, tant que je tiens sur mes jambes, ce n’est pas grave. Et oui, on m’a déjà dit ça. On m’a déjà dit également qu’il fallait être dans le déni, ce qui n’était pas mon cas. On m’a aussi félicité pour avoir eu une perte de poids. On m’a déjà reproché d’en avoir repris. Et quand je suis maigre, on ne me reproche rien; le personnel médical je veux dire. Ils n’ont jamais inscrit anorexie dans mon dossier non plus. La dernière fois que j’allais très mal, je vivais une épreuve épouvantable, je suis allée dire que j’avais des idées suicidaires et on m’a simplement dit que j’étais encore en attente et que si je passais à l’acte, d’appeler le 911. Ado comme adulte, je me sens ignorée tout le temps. Un sentiment que je ne suis pas la seule à vivre…
Alors oui, le film m’a fait du bien. Pourquoi? Parce que ça montre qu’on peut s’en sortir autrement et surtout que ça doit passer par soi. C’était ça le message du film. C’est ce que le médecin a aussi dit à Ellen quand il lui a dit de cesser d’attendre qu’on vienne la sauver, notamment. Aux USA, les cliniques sont très dispendieuses, mais j’ai connu quelqu’un qui était en soin privé là-bas et elle s’y plaisait bien. Elle disait que ça ressemblait à une sorte de camp de vacances avec plein d’intervenants et de spécialistes à sa disposition. La situation est probablement incomparable avec celle qu’on vit au Québec, quoique je suis en train de spéculer là, mais c’est pour dire que diverses choses existent.
Vous savez, vous dites constamment – et avec raison je crois – qu’il n’y a pas de poids X à atteindre pour être malade, que si on souffre ça veut dire qu’on est malade, qu’on doit aller chercher de l’aide, etc. Mais où est l’aide??? Chaque fois que j’envoie un appel, quelque chose cloche: pas le bon poids ou alors je suis consciente d’avoir un problème et c’est jugé comme n’étant pas sérieux… Au mieux, on me jette encore sur une éternelle liste d’attente… qui n’aboutit jamais! Et ça oui, merci de le signaler, c’est extrêmement frustrant! C’est déjà tellement difficile de demander de l’aide, d’avouer au monde médical qu’on a un problème… Il y a la honte associée à ça, c’est vraiment difficile. Si bien que, quand on se fait fermer les portes comme ça tout le temps, on n’a juste envie de ne plus en parler. Ne plus déranger la planète avec « son » problème. Qu’est-ce que ça peut bien faire au fond, puisque personne ne veut nous aider? Des fois, « je n’en vois pas l’intérêt »… tout simplement!
Dans l’ensemble, j’ai trouvé votre article très juste. Et, au final, ça ne reste qu’un film, c’est normal qu’il ne soit pas parfait et je doute qu’il soit possible de calquer parfaitement tout le fléau des troubles alimentaires dans un seul film tellement la problématique est complexe! Pour ce qui est des « trucs » pour le poids… en fait, je crois que c’est assez facile d’en avoir sur le net. Je suis contente que le film renvoie un message d’espoir plutôt que simplement montrer l’autodestruction avec tous les trucs possibles.
Vous avez bien fait de mettre en garde, que certains passages peuvent être confrontant, etc. C’est vrai et c’est bien d’en parler avec des intervenants. Et, j’en profite pour vous remercier à vous d’être là et pour ce que vous faites. Pour certaines personnes comme moi, vous êtes pratiquement la seule aide à notre disposition.