Je me souviens d’être allé à une rencontre pour les proches à ANEB avant même la première visite à Sainte-Justine, avant le diagnostic d’anorexie. Et là, j’ai pris conscience que notre fille souffrait beaucoup plus que le poids des grammes perdus.
Hospitalisée pendant 3 mois suite à sa première visite d’évaluation, nous avons pris cela comme une bouffée d’air. Des gens pouvaient l’aider et nous aider. Nous aurions enfin une analyse de l’eau embrouillée dans laquelle nous venions de plonger.
Malheureusement, nous ne pouvions avoir toutes les réponses souhaitées, nous avions à faire du chemin par nous-mêmes. C’est à ce moment qu’a commencé la boulimie de lectures pour comprendre et surtout accepter que nous allions être marinés assez longtemps et que notre présence pourrait avoir un effet néfaste ou positif sur notre fille. Nous avons assimilé des trucs tout simples en théorie, mais qui venaient contredire notre façon de faire, notre manière d’être. Parler avec le « je », distinguer notre fille souffrante de notre fille normale, s’enlever la culpabilité qui nous habitait et subir tranquillement un deuil de la jeune fille que nous connaissions.
Nous avons relativement bien pris cette dernière pensée. Pour moi, elle entrait de nouveau dans un cocon pour devenir un nouveau papillon qu’elle n’avait pu réaliser avant. Sa souffrance était une façon de dire, je me suis trompée de route, je dois revenir en arrière pour repartir sur de nouvelles valeurs, de nouvelles croyances.
Comment aurais-je pu m’imaginer qu’après 3 mois d’hospitalisation, la maladie serait aussi puissante? Naïfs, nous avons été surpris de la vitalité du combat qui se passait en elle.
Rage, souffrance, cris, anxiété étaient sont lot, et le nôtre.
Les assiettes étaient minées à chaque repas, les mèches plus ou moins longues avant l’explosion qui la faisait hurler et quitter la table sans avoir terminé son plat qui était pour nous le médicament qui la soignerait.
Et après quelques mois, nous nous sommes installés dans un état de glace dans la maison, les bonheurs ne pouvant égaliser le malheur. Les larmes plus récurrentes que les sourires. La restriction était présente partout. Les amis devenaient lourds par leur bonheur, la famille et leur propos maladroits devenaient des boulets, l’amour dans le couple, superflu et presque inexistant. Nous n’étions plus des parents, mais des jongleurs qui maintenaient en équilibre le peu d’harmonie que nous pouvions entre les faux-fuyants et les malentendus. La dichotomie de nos interventions auprès de nos enfants était irréelle. Les hamsters dans nos têtes s’amusaient à tourner dans sa cage.
La réclusion devenait une solution. Nous étions les ermites du trouble alimentaire par choix et par protection.
C’était une guerre et se terrer pour éviter les obus n’était possiblement pas la meilleure solution, mais la plus simple. Ce combat de rester présent et amoureux d’elle, malgré les blessures de ses mots, les mensonges, le découragement et les trahisons.
Les longues années ont passées tranquillement et lourdement. Ma fille va mieux. Elle a connu des troubles concomitants qu’elle traîne encore sur ses frêles épaules, mais elle n’est plus prisonnière du petit monstre en elle.
La famille recherche encore la boussole pour retrouver le point de départ d’une nouvelle unité. On va continuer d’être patient; la patience une ressource renouvelable à ma surprise.
Je ne pourrai terminer sans remercier le courage de ma plus grande fille qui a été bouleversée par la maladie de sa sœur, mais qui a pu contenir sa rage, son désespoir durant si longtemps, avant de crier son inconfort accumulé.
Un seul mot de sa part durant les années creuses et sa sœur aurait pu retourner dans les limbes de son mal être.
Merci ma grande et bravo ma petite pour ton cheminement.
S.L
Crédits photo: Istock/ Cimmerian
Bonjour S.L.
Quel témoignage émouvant …
Non seulement le texte est bien écrit, mais les mots choisis traduisent tellement bien comment on se sent, en tant que parent, frère, soeur …
Les troubles alimentaires apportent beaucoup de tension dans la cellule familiale.
Le travail d’équipe est tellement essentiel pour aider l’enfant atteint d’anorexie, car cette maladie est bien particulière …
Merci pour avoir partager une petite parcelle de votre vécu avec nous; on se sent ainsi moins seul …
Bonsoir, en lien avec ce billet et votre commentaire, simplement pour vous dire qu’il y a une séance de clavardage ce soir, 19 février, à 19h, pour les proches, avec Annie Aimé, psychologue. Ce pourrait être un bon moment pour partager avec d’autres personnes qui vivent une situation similaire à la vôtre. Voici le lien ou vous pouvez vous connecter et participer, à l’heure prévue: http://www.anebquebec.com/html/fr/services/clavardage.html . Courage, vous n’êtes pas seule!
Merci pour ce témoignage qui nous montre que nous ne sommes pas seuls au combat car nous vivons une période difficile avec notre fille toujours en attente d’aide de Ste-Justine.
Bonsoir, en lien avec ce billet et votre commentaire, simplement pour vous dire qu’il y a une séance de clavardage ce soir, 19 février, à 19h, pour les proches, avec Annie Aimé, psychologue. Ce pourrait être un bon moment pour partager avec d’autres personnes qui vivent une situation similaire à la vôtre. Voici le lien ou vous pouvez vous connecter et participer, à l’heure prévue: http://www.anebquebec.com/html/fr/services/clavardage.html . Courage, vous n’êtes pas seule! Et n’hésitez surtout pas à nous appeler, au besoin également (514)630-0907.