Vous savez le petit bateau qu’on voit quitter le port alors que la tempête se fait sentir ? Je suis ce petit bateau. Le petit bateau qui s’est dit : moi je vais affronter la tempête. De toute façon, c’est bien connu : après la tempête le soleil brille toujours!
Alors me voilà sur l’eau. L’eau c’est quoi ? C’est mon dedans. C’est un ouragan d’émotions. Une vraie tornade dans un verre d’eau. J’ai décidé d’affronter la tempête, j’ai décidé de m’affronter. J’ai décidé de me choisir et de mettre mes limites. J’ai décidé d’écouter la petite voix dans ma tête, celle que j’ai trop souvent voulu noyer. Je l’ai noyée dans les hurlements que mon ventre faisait lorsqu’il avait faim. Je l’ai aussi noyée dans toute la nourriture que j’ai pu manger lorsque je n’en pouvais plus des hurlements du vent. Je me retrouve ici, à essayer de comprendre c’est quoi tous ces sentiments-là. On dirait que j’ai à la fois un ouragan, une tornade et un énorme vide en dedans de moi. Tout ça en même temps. C’est difficile de ne pas se laisser emporter par les vagues et de rester à la surface.
Lorsqu’on décide de se choisir, sans le vouloir, on fait fuir des gens à grande envolée de fous de Bassan. Comme si on faisait peur parce qu’on a appris à dire non. Ma tête et mon être ne m’en voudront jamais de m’être choisie. Comme un bateau, on doit l’entretenir pour ne pas qu’il coule au fond de l’eau pour rejoindre la petite sirène. Un bateau dans le fond de l’eau, ça ne traverse pas d’océans. C’est difficile d’avancer lorsqu’on a une ancre à l’eau. J’ai pris la décision d’en laisser tomber une, un jour à la fois. Jusqu’à ce que mon petit bateau vogue sur l’eau comme un voilier.
Mon petit voilier je dois le construire. Je dois lui installer une belle voile. Je dois apprendre à le faire naviguer gracieusement sur l’eau pour ainsi partir découvrir le monde. J’ai envie d’être ce beau voilier sur l’eau. Je vais être ce voilier, un jour à la fois.
À ce jour, je me suis rarement sentie aussi seule. Avant, j’avais les hurlements de mon ventre qui criaient si fort que je ne pouvais pas penser à autre chose. C’est difficile de ne pas se noyer dans les larmes que j’ai envie de verser parce que j’ai peur. J’ai peur de l’inconnu. J’ai peur comme ceux qui allaient en mer et qui croyaient que la terre était plate. J’ai peur de tomber. C’est une fausse peur parce qu’on le sait tous que la terre est ronde finalement. Mais j’ai peur quand même. Après dix ans sans avoir écouté ma petite voix, c’est difficile de lui faire confiance puisque je ne la connais pas vraiment. Même si elle a toujours fait partie de moi, j’apprends enfin à l’écouter.
Ce que j’aurais dû faire il y a longtemps
M’écouter. Je réalise que j’aurais dû faire ça il y a longtemps. Notre corps nous envoie des signes quand ça ne va pas. Mon corps hurlait de l’écouter mais j’avais décidé de me battre contre le courant. J’étais déterminée. Je croyais que j’allais arriver à mes fins. Que j’allais être la meilleure. J’en ai perdu des morceaux de mon bateau et je me suis mise à couler un petit peu. Mon corps a lâché. J’étais malade et mon corps ne voulait plus se battre. Malgré tout, j’étais déterminée à continuer, je ne voulais pas reculer. Je n’avais pas envie de reculer après tout le travail que j’avais fait. Ma petite voix n’avait plus de voix. Je suis tombée si bas que j’ai fini par accepter de me laisser mener par le courant. Finalement, c’était bien. J’étais bien. J’étais seule mais j’étais bien.
Les bateaux ont une capacité maximale pour bien fonctionner. Mon corps aussi. Le négatif et les jugements sont des éléments qu’on ne doit pas apporter en mer. Surtout lors d’une tempête. On se bat déjà contre les vagues, le bateau n’a pas la force de se battre contre autre chose. En laissant tomber les éléments qui empêchaient mon bateau de flotter normalement, j’ai fait revenir le soleil, un rayon de soleil à la fois. Il y a encore de grosses vagues et de plus petites. Lorsque les vagues sont trop difficiles, je respire profondément. Parce que de toute façon, sur un bateau, c’est la seule chose à faire pour faire passer la nausée. Je travaille fort pour avoir mon beau voilier. Celui qui sera grand et fort et qui me fera traverser les plus grosses tempêtes. Je travaille fort sur moi, afin de devenir grande et forte. Afin d’avoir la force pour affronter les ouragans.
Elie
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Merci à notre bénévole Dominique Laliberté pour son aide à la relecture du texte.