D’aussi loin que je me souvienne, le poids a toujours été un sujet important dans mon entourage. Cela a toujours été un sujet discuté quotidiennement, de façon un peu trop banale selon moi. Avant même que je souffre d’un trouble alimentaire, ces remarques constantes ont toujours eu un impact énorme sur la perception que j’avais de moi-même au fil des ans.
Je n’ai pas réalisé ça du jour au lendemain. Ce fut un processus long et ardu… J’ai fait preuve de beaucoup de patience et de détermination.
J’ai déjà abordé l’importance de ne pas faire de commentaires sur le poids dans un article précédent, donc je ne vais pas trop m’attarder sur ça cette fois-ci. Je veux plutôt vous partager le processus qui s’est fait entre mes deux oreilles au cours des derniers mois, depuis que je me suis vraiment laissé la chance de guérir.
Pendant tellement longtemps, tous les commentaires que j’entendais par rapport à mon poids me faisaient énormément de peine. Ils me brisaient, j’étais complètement déstabilisée et c’était la crise d’angoisse assurée chaque fois que j’entendais: « tu devrais perdre quelques livres, il me semble que tu as pris du poids.» Pendant des années, j’ai essayé de me convaincre que je m’étais habituée à cette douleur, que ces mots ne voulaient plus rien dire pour moi… J’avais tellement tort et j’aurais aimé adresser cette problématique bien avant mes 21 ans.
Malgré la douleur intense ressentie, je n’agissais plus sur le coup à la suite de tels commentaires. Je n’avais plus d’idées noires, plus d’impulsivité, aucune vague ni de remous: ça ne faisait que bouillir en moi. J’ai accumulé, accumulé, accumulé… Autant j’étais sur la bonne voie, autant je n’étais pas totalement convaincue de la vérité. Ma psychologue, ma nutritionniste, mon équipe traitante, mes amis: tous ont essayé de me raisonner.
Je faisais les bonnes actions, mais je ne sais pas si j’avais totalement confiance en mon équipe, à ce moment-là. Peut-être qu’au fond, ils essayaient tous de me faire croire que je ne suis pas « si grosse que ça », peut-être que certaines personnes avaient raison en disant que je devais perdre quelques livres. Les pensées ont germé en moi sournoisement, c’est à peine si je les ai vues venir.
Durant une trop longue période, je croyais encore ces mots. Je croyais encore les insultes. Mais tranquillement, je croyais aussi, et de plus en plus, mon équipe traitante. Elle avait fait ses preuves avec moi et j’avais confiance en elle.
Plusieurs mois se sont écoulés depuis, et j’ai retrouvé une alimentation plus que normale. J’ai pris du poids depuis ma dernière hospitalisation et ça va bien. Certaines journées sont plus difficiles, mais je ne retombe plus dans les comportements malsains. Jamais le trouble ne prend le dessus sur Élyse et parfois ce sont des combats plutôt intenses, mais je gagne toujours à la fin de la journée…
Et c’est là que cela s’est produit. On me répétait encore le même discours: que je devais faire attention, que je me laissais aller, que j’avais pris quelques livres, que je mangeais trop de ci et pas assez de ça… Bref, les mêmes niaiseries.
Et c’est là que j’ai répliqué pour la première fois de ma vie. J’ai dit que « j’avais travaillé fort pour m’accepter telle que je suis en ce moment et que j’ai beaucoup souffert pour atteindre cette paix d’esprit. » J’ai ajouté que « je n’avais pas de problème avec ce à quoi je ressemblais et que ce n’était pas moi qui devais changer pour m’accepter: c’était lui.»
C’est sorti tout seul, je n’ai même pas eu besoin d’y réfléchir. J’ai regretté les mots dès qu’ils ont effleuré mes lèvres, mais je savais qu’à ce moment-là: j’avais réussi.
Parfois le processus semble long, mais les choses se passent dans notre tête. Les actions ne sont pas toujours concrètes, mais le chemin se dessine tranquillement et se fraye un passage entre les idées sombres et les pensées malsaines. Lorsqu’il s’agit de l’acceptation de soi, les réussites sont toutes petites, et parfois… comme aujourd’hui… ce sont des victoires qui méritent des applaudissements et un « standing ovation. »
Je change un peu chaque jour. Ce n’est pas toujours évident, mais les changements sont là. Je ne suis pas la même personne que j’étais il y a quatre ans, je ne suis pas la même personne que j’étais l’an dernier et je ne suis pas la personne que j’étais hier.
Pour ceux qui n’y croient plus: les choses changent. Ça prend du temps, mais c’est possible.
Jamais je n’aurais pensé un jour répondre aussi directement à la personne qui générait autant de colère en moi. Jamais je n’aurais pensé dire ça aussi directement et être aussi sincère.
Aujourd’hui, je suis fière de moi et de qui je suis devenue.
Parfois, la personne qui nous surprend le plus est celle qui se trouve devant le miroir.
Rappelez-vous qu’il est important, dans la mesure du possible, de s’entourer de personnes qui nous font sentir bien et nous respectent. Et lorsqu’une personne nous dit des paroles qui nous blessent particulièrement, il faut communiquer ses émotions, s’affirmer… comme je l’ai fait. De telles remarques sont tout simplement inacceptables.
Élyse Beaudet
Merci à Dominique Laliberté pour la révision!