Quatre personnes; quatre histoires; une mise en scène pour relater les problématiques de Marie-Josée, Marie-Pierre, Julie et Johanne concernant l’alimentation. Problématiques concernant l’alimentation allant au-delà d’un questionnement ponctuel. Problématiques concernant l’alimentation englobant un désir de contrôle, une rigidité de la pensée, une obsession constante sur le poids, l’aliment et le chiffre. Des problématiques concernant l’alimentation pouvant être vécues par des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes, des personnes souffrant d’un trouble alimentaire. Des problématiques concernant l’alimentation créant une détresse, une souffrance, et dont Marie Sophia A., réalisatrice de la pièce L’économie du désir, a su montrer avec respect et en faisant preuve d’une grande sensibilité.
L’obsession qui prime
La pièce relate l’histoire de quatre femmes de tous âges qui suivent une thérapie pour guérir d’un trouble de l’alimentation (T.A.). Sous un décor sobre, le spectateur accède rapidement à toute la complexité qui est reliée à la problématique de l’alimentation. Par les textes et les mises en scène, nous pouvons rapidement comprendre la place importante que prennent les obsessions alimentaires dans la tête d’une personne souffrant d’un T.A. Ces personnages nous racontent diverses anecdotes de leur vie personnelle ayant un lien avec leur obsession aux chiffres et aux aliments. Bien qu’elles soient racontées de façons parfois imagées et humoristiques, elles constituent néanmoins un témoignage réaliste des différentes difficultés. En effet, les personnages racontent à la psychothérapeute les attentes et les objectifs qu’elles se fixent avant un événement, lors d’un souper entre amis, un rendez-vous ou lors de voyages. Divers thèmes y sont présentés, allant de l’influence de l’image corporelle sur sa représentation de son corps, à l’isolement que peut créer une problématique alimentaire et aux différentes étapes de changement dans le rétablissement. Et plus intéressant encore, il est possible de se retrouver dans ses anecdotes, que nous souffrions d’un T.A. diagnostiqué ou non. Par les processus de réflexion que vivent les personnages, c’est l’occasion pour nous aussi de nous questionner sur l’importance que nous accordons à notre image corporelle ainsi que de la relation que nous entretenons avec la nourriture.
Ce qu’en pense la réalisatrice
J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Marie Sophia A., scénariste et réalisatrice de la pièce L’Économie du désir. Présentée dans le cadre du festival St-Ambroise Fringe à Montréal, l’initiative de Marie Sophia A. s’est d’abord faite dans une optique de recherche création. Ainsi, l’objectif était d’arrimer les arts de la scène, comme médium de diffusion, à un sujet pouvant intégrer une facette de sa propre histoire personnelle, des recherches scientifiques ainsi que des témoignages de personne ayant souffert d’un trouble alimentaire. L’un de ses objectifs était de souligner tout le travail nécessaire à défaire un système de pensées régit par le contrôle et la rigidité. Via les histoires et les anecdotes des personnages, elle a tenté d’exprimer l’illusion de contrôle sur le corps et l’alimentation. Cet objectif semble avoir eu un impact important sur les spectateurs. Plusieurs techniques de scène ont été employées pour ramener cet objectif et les quelques questions de la thérapeute à ses clientes ramenaient vers la réflexion d’une fausse illusion de contrôle. Ce fut le cas lorsque Marie-Josée, dès le début de la pièce, raconte à la thérapeute tout le scénario créé pour apaiser l’angoisse anticipée d’une sortie à la cabane à sucre. La conclusion de la cliente et de la thérapeute ramène l’idée que ça se passe rarement comme planifié.
Quant à l’acceptation de soi
Bien que le message concernant la place prédominante des obsessions alimentaires chez la personne en souffrance ait été bien véhiculé, d’autres messages n’ont pas eu le temps d’être transmis durant la pièce. Il faut s’attendre à être confronté à nos propres croyances concernant l’alimentation pendant ces 90 minutes. Il aurait été intéressant de mettre plus d’accent sur la complexité et la diversité des troubles alimentaires, et non seulement sur toute la complexité entourant les obsessions alimentaires. Car au final, le trouble alimentaire va au-delà de la nourriture. Il s’agit d’un trouble de santé mentale, d’un trouble psychologique, qui peut englober diverses difficultés émotionnelles. Il a été abordé qu’une problématique alimentaire pouvait mener à l’isolement et que la préoccupation pour l’apparence est importante. Toutefois, il aurait été intéressant de mettre davantage l’accent sur ces deux aspects lors de la deuxième partie de la pièce, et ce, en amenant les personnages à faire des réflexions plus poussées de ces aspects, notamment lors du second rendez-vous avec la thérapeute. La critique concernant un modèle de beauté unique est présente tout au long de la pièce, mais les personnages ne livrent pas nécessairement une réflexion plus poussée sur la place de la diversité corporelle ainsi que de l’acceptation de soi.
L’économie du désir, ou la perte d’un plaisir, amène le spectateur à comprendre la complexité d’une problématique alimentaire en abordant les obsessions alimentaires, la préoccupation à l’image corporelle et à la rigidité du système des pensées. Le travail fait par Marie Sophia A. a permis d’aller au-delà d’une énumération de symptômes. Il a permis aux spectateurs de s’identifier aux personnages et de réfléchir à leurs propres croyances et comportements. Bravo à toi, Marie Sophia, aux cinq excellentes comédiennes ainsi qu’à tous ceux qui ont participé à ce projet!
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