« Le mouvement ne ment jamais » disait Martha Graham (l’une des plus grandes pionnières de la danse moderne). Le mouvement. Quel beau moyen d’expression ! Lorsqu’on souffre d’un trouble alimentaire, l’identification, l’expression et la gestion des émotions est très difficile. Les sensations physiques que déclenchent les émotions provoquent souvent une tendance à s’y dissocier pour éviter de les ressentir, c’est-à-dire d’essayer de s’en séparer.
La danse et le rythme sont utilisés depuis des siècles pour encourager l’expression des émotions. La thérapie par la danse et le mouvement (TDM) suggère que le corps devienne l’outil nécessaire au cheminement psychologique et social de la personne. La TDM emploie les mouvements corporels comme des symboles d’émotions, de désirs ou de conflits. Par des exercices corporels, la personne voit « qu’elle peut avoir accès à sa peine en étant plus en contact avec ses sensations physiques » (Guérin, 2007) ce qui lui permet ensuite, en raison de l’activité motrice, de travailler sur les émotions qui se sont présentées. Il est important de rappeler que le corps provoque beaucoup d’anxiété à l’adolescence dû aux changements physiologiques inhérents à cette période développementale et qu’il devient le lieu d’expression d’émotions autrement inexprimées. Non seulement la TDM permet de reconnaître ses émotions à travers ses sensations physiologiques, mais aussi de se placer en état de présence à soi-même, « de reconnaître ce qui est dans l’ici et maintenant tant au niveau des sensations physiques, émotionnelles qu’en pensée » (Guérin, 2007). Ainsi, le travail se fait sur ce qui est ressenti sur le moment. Les adolescents ayant grandi dans des environnements anxiogènes tendent à se déconnecter de leur corps afin de se protéger. Ils ont pu associer leur corps à des situations négatives (violence, abus), ils ont peur de ressentir toute forme d’émotion et le corps devient un obstacle face à ce ressenti. La TDM offre des moyens alternatifs de se reconnecter à son corps et de le percevoir positivement. Elle traite là où il y a problème, c’est-à-dire sur un corps déconnecté de sa vie affective, avec toutes ses composantes (sensations physiques, émotives). L’approche non verbale permet une accessibilité aux émotions différente de l’approche verbale. Le corps ne ment pas et offre donc un langage plus authentique. Certes, cela n’empêche pas les résistances, mais permet plutôt un travail indirect qui peut être perçu comme moins confrontant.
Le manque d’initiative et de spontanéité, l’inhibition et l’évitement dans le comportement et au niveau de l’expression des émotions, sont souvent rencontrés chez les patients ayant des troubles des conduites alimentaires. Ces adolescents éprouvent fréquemment des difficultés à verbaliser et à symboliser adéquatement tout ce qui a trait à leur vie émotive. Or, la TDM s’attarde spécifiquement à l’expression de l’émotion par le corps. À travers les différentes séances, elle permet de travailler chez les participants leur inhibition comportementale (la tendance à avoir un corps constamment crispé, tendu et à ne pas mouvoir aisément), leur difficulté à exprimer leurs émotions, leurs problèmes interpersonnels et surtout, le rejet de leur corps.
La TDM met l’accent sur un corps vu comme étant problématique. On traite là même où émergent les conflits. On traite le corps, par le corps. Comme on apprend à un phobique des chats à apprivoiser la bête graduellement, par ce programme, l’adolescent apprendra à apprivoiser son propre corps, pour ultimement, pouvoir s’en servir de façon adéquate à travers l’expression de ses émotions. « Notre premier ambassadeur, notre premier outil d’adaptation, c’est notre corps et, même si on ne l’a pas choisi, il faut l’accepter » (Cloutier, 2001).
Voici quelques associations, organismes et professionnels offrant des services et ou des informations au niveau de la thérapie par la danse et le mouvement :
–American Dance Therapy Association
–Association des art-thérapeutes du Québec
-Centre de psychologie de Ste-Foy – ateliers de danse expressive et primitive
–Institut de psychothérapie corporelle intégrée
–Marie-Michèle Ricard, psychoéducatrice – programme d’expression corporelle
Marie-Michèle Ricard, M.Sc. Ps.Éd.
Psychoéducatrice, psychothérapeute
Co-fondatrice & co-propriétaire
Imavi (Texte inspiré de mon rapport de stage de maîtrise : Ricard, M.-M. (2010). Programme d’expression corporelle offert à une clientèle adolescente présentant un trouble dépressif, anxieux et alimentaire, rapport de maîtrise en psychoéducation avec stage, UQO)
Les références scientifiques contenues dans ce billet sont disponibles sur demande et le rapport complet est disponible à la bibliothèque de l’Université du Québec en Outaouais.
Bonjour,
Très belle présentation. J’ai étudier la danse. Je dirais que la danse m’a nuit autant qu’elle m’a sauvé. L’étudier est une chose. En faire pour s’exprimer en est une autre.
J’aurais pu faire carrière en danse. Mais contrairement à mon rêve, plus j’ai essayé de performer, moins j’excellais et plus j’étais malade… J’ai cru ma vie s’arrêter le jour ou j’ai du rennoncer à ce rêve et mettre derrière moi tout le travail que j’avais investie pour arriver ou j’en étais.
Cependant, je me rend compte que l’amour que j’éprouve pour la danse, ne venait pas du fais d’être reconnu par mon art, mais plus de la légèreté qu’elle me fasait sentir lorsque j’en faisais pour leplaisir. En effet, lorsque j’ai arrêté d’en faire dans l’optique d’une carrière professionnelle, mais plutôt pour le plaisir, j’ai ressentie une grande satisfaction et délivrance. C’est comme si tous mes maux que je ne pouvais mettre en mots, s’était envolés.
Aujourd’hui, j’éprouve encore une nostalgie face à la carrière que j’aurais pu avoir et envers l’école ou j’ai étudié qui pour moi était la plus belle école de la vie. Mais dans ma devise de me faire du bien par la danse, je transmet aujourd’hui mon remède à moi en enseignant la danse.. c’est la plus belle chose que j’ai vécu, voir les yeux de mes élèves briller et voir leurs esprits libre pendant l’instant d’un cours.
Merci à Martha Graham pour cette belle phrase et les nombreuses également qui m’ont marqués!
Bonne journée
Une danseuse accomplie
Florence
Merci Florence pour ce beau témoignage. Comme vous le dites, danser pour le plaisir et pour la performance sont deux choses très différentes et procurent des satisfactions tout autant différentes… La performance peut être une variable payante, au sens stricte du terme, mais danser sans la performance nous amène à un tout autre niveau. Merci !