Le 21 mars 2014, la fin de ma première relation de couple a eu lieu. Ce fût une belle première relation. J’ai été bien, j’ai été heureuse. J’ai connu la tendresse, j’ai goûté à ses lèvres, j’ai fait l’amour, j’ai aimé. Je suis tombée sur le meilleur homme qui puisse être pour moi, compte tenu des circonstances présentes à cette période. Je ne regrette absolument rien de notre relation. Il a été présent, il a été attentif, il a été attentionné, il a été compréhensif, il m’a aimé. Avec lui, j’ai appris à faire confiance. J’ai appris qu’il était possible que des gens m’aiment. Mais j’ai surtout compris que je devais d’abord m’aimer avant de pouvoir espérer aimer quelqu’un et m’engager vis-à-vis lui. Malgré le fait que ce soit sa décision, je ne le remercierai jamais assez d’avoir pris cette initiative-là. C’est cette décision qui m’a permis de me donner LE coup de pied dans le derrière pour avancer. C’est cette décision qui m’a donné le goût de changer de vie.
Je ferme ce livre-ci et rédige présentement les premières lignes du livre de ma vie épanouie. Je ne parle plus au passé, je ne parle plus au futur, je ne parle plus au conditionnel présent, je parle au présent. Je pose des gestes concrets, je pose des actions qui me font combattre, qui me font avancer. Je coupe tout contact avec ce qui me maintient lié directement ou indirectement à la maladie. Je ne regrette rien de mon passé non plus. Je m’en sers constructivement. L’anorexie a été une épreuve qui m’a fait grandir, qui m’a poussé à voir à quel point j’étais perfectionniste et à quel point je manquais terriblement de confiance en moi. J’ai voulu miser sur mon physique, croyant que je serais plus aimé ainsi. L’anorexie a été un appel à l’aide. Une demande d’écoute, de réconfort, de soutien. J’ai eu besoin de comprendre que j’étais aimé peu importe. Au fil des ans, j’ai du faire le deuil de plusieurs relations sociales qui m’étaient chères. Je voulais me rapprocher des gens et je m’en suis éloignée. Au fil des ans, j’ai du faire le deuil de mon enfance, de mon insouciance, j’ai dû accepter d’être confrontée à la douleur, d’être confrontée à la peine, à la colère et accepter que de me bâtir un mur pour me protéger de ces émotions ne feraient à long terme que créer une accumulation qui résulterait en une encore plus grande souffrance. Bref, j’ai dû accepter de vivre jusqu’au bout, à fond. La rupture avec mon copain est en fait le symbole de ma rupture avec la maladie. Et lui, il représente tous les gens qui m’ont aimé et que j’ai involontairement blessés. Car qu’on le veuille ou non, cette maladie est aussi souffrante pour nos proches que pour nous. Je ne dis pas cela dans le but de nous culpabiliser, car je suis consciente que c’est une maladie et que dans nos têtes, les gens se foutent de nous. Je dis plutôt ça dans le but de faire comprendre que nous sommes aimés et que si les gens coupent contact avec nous, c’est pour se protéger parce qu’ils ont trop mal pour nous et qu’ils ne veulent pas couler avec nous. Dans la vie, il faut penser à soi avant de penser aux autres. Ce n’est pas égoïste au contraire, puisqu’en étant en pleine forme physiquement et psychologiquement, il n’y a qu’ainsi que nous pouvons réellement être présent et aider. Vous connaissez sans doute tous l’image de la maman dans l’avion qui est train de ‘’crasher’’ ? Elle doit mettre son masque à elle avant de mettre celui à ses enfants, sans ça elle n’a pas assez de souffle pour mettre celui à ses enfants. Elle meurt, ses enfants meurent, bref tout le monde est mort. Joyeux? Non, pas vraiment. Tandis que si elle met son masque, elle respire assez bien pour mettre le masque à ses enfants. Elle survie, les enfants survivent, bref tout le monde est en vie. Joyeux? Oui! Parfois, non, souvent, on se dit qu’on va guérir pour arrêter de faire souffrir les autres. C’est une douce attention, mais elle ne donnera jamais de résultats concrets, puisque la personne avec qui nous sommes le plus souvent c’est avec nous. Avec nos fantômes.
Pour réellement s’en sortir, le désir doit venir de nous. Ça doit venir de l’envie de cesser de se faire souffrir soi-même. L’instant de notre guérison, on ne pense qu’à nous. On se donne des défis personnels pour se faire plaisir à nous. Par exemple, l’autre soir, je me suis accordée le droit de prendre un bon bain avec de la mousse. Je ne m’étais jamais permis ce moment avec la maladie, car je me sentais inutile et égoïste de relaxer dans un bain. Pourtant, ce petit plaisir aussi anodin qu’il puisse sembler, m’a fait un bien fou. Je m’accorde le droit de dire qu’un aliment est bon. Je m’accorde le droit de me laisser aller dans tout ce qui peut me rendre heureuse. Chaque jour, je combats une petite peur irrationnelle que j’ai. Chaque jour, je laisse l’anorexie me parler dans le vide. Je la regarde me parler et moi, tête de cochon que je suis, je fais exactement le contraire de ce qu’elle me dit. Elle me dit de faire le plus long trajet à pied, alors je prends un raccourci. Et je lui lance un sourire des plus moqueurs. Oui, je ris de sa gueule. Je lève mes bras dans les airs et je cris VICTOIRE.
Le vendredi 21 mars a été la journée la plus éprouvante de ma vie. Elle fut triste parce que j’ai dû dire au revoir à mon premier amour, à mon premier engagement, mais elle fut tellement heureuse de l’autre côté, car j’ai accueillis à bras grand ouvert, ce nouvel engagement qu’est ma guérison. Ceci était donc le dernier texte que je vous partage, chers lecteurs. Merci. Merci de m’avoir lu, de m’avoir partagé des bouts de votre vie. Et il m’a fait grand plaisir d’avoir pu mettre quelques mots sur ce que vous n’arriviez pas toujours à exprimer. Je prends maintenant un temps pour moi, en vous souhaitant à tous la plus belle guérison qu’il vous est possible d’avoir.
Merci encore,
Amélie
Xxx
Merci. Tu as écris ce qu’une mère ressent, comme moi. L’image du masque à oxygène »c’est tellement ça », et dans la vrai vie, j’ai réellement peur en avion !! Depuis deux ans on accompagne notre fille et l’anorexie, depuis deux ans, on porte le masque à oxygène ! le feeling qui m’habite, l’impuissance qui accompagne »ce masque », depuis deux ans, j’ai peur, mais je sais que ma peur n’ait rien à côté de la peur qui habite ma fille…on a beau lui donner de l’amour…. J’ai vraiment hâte que ma fille puisse, un jour, écrire une lettre comme la tienne. Merci beaucoup pour l’espoir que tu me donne. Merci.
Merci à vous pour votre réponse et bon courage Lorraine. Ma maman a aussi vécu le calvaire tout au long de ma maladie et étrangement, aussi égoiste que cela puisse paraitre pour un parent, c’est quand elle a coupé les ponts un bout de temps (le temps que je me replace un peu) avec moi que j’ai eu pour la première fois l’envie de m’en sortir réellement. Quand j’ai sentie que je n’avais pas le choix de me prendre en main, qu’elle ne serait pas toujours là pour me faire manger et quand j’ai réalisé que j’étais beaucoup- plus dépendante d’elle que je ne le pensais. Tout ça pour vous dire Lorraine que vous pouvez épauler votre fille du mieux que vous pouvez, mais vous devez respecter vos limites et ne pas mettre votre vie au détriment.