L’anorexie? C’est une maladie de fille ça. Ça fait même partie de la triade de la femme sportive. J’ai appris ça à l’université… C’est à l’université aussi que j’ai appris que mon IMC était « trop élevé », hélas!
Le trouble alimentaire, dans mon cas, a commencé par de très nobles résolutions. C’est souvent le cas, d’ailleurs. Personne ne s’enfarge dans cette spirale de manière totalement volontaire. De mon côté, je voulais perdre un peu de poids pour me sentir mieux et pour redevenir « le modèle que doit être un éducateur physique digne de ce nom ». Je mets ici de gros guillemets. Un éducateur physique devrait partager l’envie de bouger, le sentiment d’être bien dans sa peau, sans regard à ce qui se cache en dessous. Hélas, il arrive qu’il discrimine les gens « pas en forme » de ceux qui sont « en forme ».
De mon côté, persuadé, à tort, que mon bonheur passait par la perte de poids, j’ai commencé par manger plus de légumes et j’ai amorcé la course à pied, ignorant que la sous-alimentation et le surentraînement m’attendraient de pied ferme dans le détour.
Je courais, je courais… Après quoi, je ne le sais pas trop., mais je courais! …À ma perte, certainement, mais ça, c’est le genre de chose que j’ai vite décidé de camoufler.
Ça commençait, comme ça, tranquillement. Je prenais de la vitesse. Je soufflais de moins en moins. C’était de plus en plus facile. Courir. Matin, soir. Beau temps, mauvais temps. Petit à petit, de plus en plus vite, tout droit dans le mur. C’est sans doute parce que j’étais pris dans un cercle vicieux que je tournais en rond.
Après un certain temps, je commence même à en tirer du plaisir. Du vrai plaisir là, éphémère, certes, mais bien réel. Un plaisir intrinsèque provoqué par l’endorphine et un plaisir extrinsèque, provoqué par les commentaires reçus de toute part, par les médias sociaux. « Tu fonds à vue d’œil », « Lâche pas, mon gars », « Tu es inspirant », tant de mensonges comme ça, qui ont gonflé mon égo à mesure que je m’effaçais lentement.
Si certains comparent l’endorphine, cette hormone « du bonheur » à une drogue, que dire des commentaires élogieux d’autrui? Euphorisants et enivrants, ils ont rapidement fait en sorte que je ne courais plus pour moi, mais pour eux, mettant en péril, un peu plus à chaque kilomètre, ma santé.
Le jour où j’ai compris, qu’en fait, il y avait d’autres façons d’inspirer les gens qu’en perdant du poids, j’ai vite compris ma vraie valeur. Elle ne peut pas se calculer sur les trois misérables chiffres d’un pèse-personne. La tienne non plus, d’ailleurs.
L’anorexie? Les gars peuvent en souffrir aussi. Autant sinon plus, parce qu’un gars, comme si ce n’était pas assez, ça doit négocier avec des obstacles musclés : sa masculinité et son égo gonflé à la testostérone.
Un gars, trop souvent, ça souffre en silence. Ça ne devrait pas, mais c’est comme ça. Il est grand temps de changer les choses! Ensemble, démystifions l’anorexie chez les garçons!
– Antoine