Les troubles alimentaires ont envahi ma vie et ce, dès mon plus jeune âge. Déjà vers 10 ans, je voyais ma sœur ainée tomber malade. Tout d’abord de manière insidieuse, les troubles alimentaires se sont infiltrés dans notre maison. Une fois mise à découvert, la maladie a pris toute la place. Sans gêne, elle s’est installée à la table avec nous, à tous les soirs. Elle a envahi nos discussions, nos vacances, nos amitiés et notre école. On a essayé de faire comme si elle n’était pas là, mais sans succès.
Après quelques années à tourmenter ma sœur, la maladie a changé de victime et s’est prise à moi. Quelle ironie… Moi qui avais tant souffert de voir ma sœur et ma vie familiale ainsi tourmentées, moi qui avais si hâte qu’on reprenne une vie normale, j’étais maintenant devenue prisonnière. À mon tour, je permettais à la maladie de continuer à vivre. Le cycle infernal d’hospitalisations, de rendez-vous médicaux, de disputes et de pleurs ont repris pendant quelques années. Finalement, vers la fin de l’adolescence, je croyais que la maladie m’avait quittée, mais, malheureusement, ce n’était pas la fin.
Après un répit d’à peine une année ou deux, elle était de retour, et cette fois en force. Voilà que la maladie s’accroche maintenant à ma sœur cadette, et ce, sans relâche depuis maintenant plus de 13 ans.
Le but de mon témoignage est de donner espoir, courage et réconfort aux lecteurs et lectrices afin qu’ils se sentent moins seul(e)s. Loin d’être un récit scientifique, ce texte se veut vrai et porteur d’espoir pour les personnes qui en sont rétablies ainsi que pour les proches et ceux et celles aux prises avec la maladie.
En effet, maintenant, ma sœur ainée et moi sommes pleinement rétablies de cette expérience douloureuse. Nous sommes respectivement, infirmière et mères de 4 magnifiques enfants. Nous avons trouvé les partenaires de nos vies et sommes entourées d’amis loyaux et présents. Femmes fortes, passionnées et courageuses, nous en sommes sorties grandies, sans toutefois s’épargner de blessures mentales, physiques et sociales. Nous éprouvons une fragilité devant des souvenirs de jeunesse difficiles et persistants. Nous avons perdu des relations et avons marqué à jamais certains membres de notre famille. Solidaires plus que jamais aujourd’hui, nous entretenons des liens étroits avec notre famille. Nous comptons les uns sur les autres avec une assurance inébranlable. Nous avons cherché longtemps à comprendre la maladie, nous avons pris du temps à guérir et à panser nos plaies, mais nous en sommes ressorties plus soudées et plus fortes que jamais…
Il faut également apprendre à connaitre ses limites. À ce jour, je trouve difficile de côtoyer ma sœur cadette encore aux prises avec la maladie, car, en sa présence, je me remémore le passé rempli d’obstacles et de souffrances à surmonter. C’est un peu comme me revoir dans un miroir, tel un cauchemar qui revient. Heureusement que les autres membres de ma famille sont au rendez-vous et assurent un maximum de soutien à ma sœur. Vivre avec la maladie et la côtoyer demande beaucoup d’effort, mais c’est possible. Munis de bienveillance et de résilience, on réussit à le faire à sa façon et en se respectant.
Il faut garder espoir en regardant en avant, même durant les moments de profonde dépression lorsqu’on entretient des idées noires et que l’on pense que plus rien n’est possible. J’encourage les gens qui côtoient la maladie à cultiver la résilience, la patience et l’écoute.
– Christine