Il n’est jamais trop tard pour guérir. Il y a toujours de l’espoir.
J’ai développé cette maladie mentale lorsque j’étais jeune adulte. En tant que personne souffrant d’anorexie, j’ai été obsédée par l’idée de prendre du poids et je m’imposais une conduite de restriction alimentaire sévère et durable. Et en tant que personne souffrant de boulimie, je souffrais de crises pendant lesquelles j’absorbais rapidement des quantités très importantes de nourriture. Ces crises étaient incontrôlables et se manifestaient plusieurs fois par semaine.
En tant que personne souffrant d’anorexie et de boulimie, j’alternais les phases anorexiques et crises de frénésie alimentaire, m’obligeant à compenser ces crises par une pratique sportive intense, des vomissements ou la prise de médicaments. Ce trouble est apparu à l’âge de 18 ans et il a complètement bouleversé ma vie. Pendant longtemps, je me suis demandé et encore aujourd’hui, je me demande ce qu’aurait été ma vie si cette maladie ne m’avait pas atteinte.
Je veux comprendre. Il me semble que je suis passée à côté de tant de choses que j’aurais voulu accomplir et que je me suis égarée à maintes reprises. Ma vie n’était qu’un labyrinthe, un tunnel sans issues. L’anorexie m’a amenée dans un monde complètement irréel et la dépression qui a suivi m’a projeté dans la boulimie. Ma vie familiale et sentimentale est devenue très instable. Vivant dans un constant besoin d’oublier ce mal qui me rongeait, j’avais l’impression de devenir folle, je ne comprenais tout simplement pas ce qui se passait. J’ai voulu perdre 4 livres et j’en ai perdu 30 en une seule année. Je suis passée de 115 à 85 livres. J’en suis certaine aujourd’hui, délibérément je ne voulais pas en arriver à ce que ce TCA fasse de moi une personne incroyablement perdue, irritable, solitaire et vide. J’ai délaissé l’amour de ma vie, mes études d’infirmière et partie à la conquête de l’impossible. Ma famille ne comprenait pas ce qui se passait et moi non plus d’ailleurs. C’était la déroute totale. J’étais en mode survie et je l’ai été pendant 10 ans.
Je me suis cherchée durant tout ce temps. Quel était ce mal inexplicable! ce trouble psychologique qui m’habitait! Pourquoi moi ? Je livrais un combat constant pour me délivrer de cette obsession qui hantait mon esprit. Je n’ai pas réussi à centrer ma vie sur autre chose durant cette période. Les fugues, les changements d’emploi à répétition incluant deux tentatives de suicide, instabilité dans mes relations amoureuses, cigarette et alcool, culpabilité, perte complète d’identité.
Je n’ai jamais reçu d’aide. Je n’en ai pas demandé non plus. À l’époque, ce trouble de comportement était peu connu. Je suis une battante dans la vie. J’ai combattu ce mal avec détermination et courage. Je savais qu’intérieurement je m’en sortirais un jour, mais quand ?
Mes dernières crises ont eu lieu en 1978 durant ma première grossesse. La maternité a complètement changé ma vie. Je n’étais plus le centre de mon univers. La beauté d’être mère a été le tournant décisif pour ma guérison.
En outre, j’en conclus que j’ai perdu dix belles années de ma vie. Aujourd’hui, ce trouble de comportement est mieux connu et demander de l’aide, dès que le diagnostic est posé, est selon moi, la clé de la guérison.
– Claudie
24 août 2022