J’écris ce texte pour que vous sachiez que vous n’êtes pas seul.e.s. Vous n’êtes pas seul.e.s à trouver le confinement extrêmement difficile et vous n’êtes pas fous/folles. Gérer le confinement et le trouble alimentaire en même temps, c’est un réel cauchemar. Le confinement et le trouble alimentaire me semblent être de très bons amis, comme s’ils concoctaient dans notre dos, pour nous faire encore plus de mal. Deux bons complices, qui ne font que nous rendre encore plus vulnérables. Clairement, les deux ensembles sont mes pires ennemis.
Depuis quelques temps, ça allait mieux. Guérie? Non, mais mieux. J’avais trouvé un sens à ma vie, un sens que j’aimais. J’étais souriante, j’avais reçu de bonnes nouvelles, j’avais un super travail… Puis le confinement est arrivé. Ce confinement, il a tout bouleversé sur mon passage, le positif que je voyais est maintenant sans espoir.
Mon anorexie a été extrêmement sévère, j’ai plusieurs fois passé près de la mort. Oui, je parle au passé, mais ce n’est pas terminé. J’allais seulement mieux, mais « seulement » est déjà un très grand pas. Le confinement, le foutu confinement, m’empêche d’avancer vers la surface, il me noie encore plus profondément. « Mange Gabe, ce n’est pas plus compliqué que d’habitude… » Si seulement ! C’est toujours compliqué, mais là, c’est le bout de l’enfer. C’est le bon terme, l’enfer.
Pendant longtemps, pour réussir à manger, je me changeais les idées avec mon travail, je n’étais jamais laissée à moi-même, seule avec mes pensées, je n’avais pas le temps. Les études, mon amoureux, une vie …normale? Maintenant que je suis prise à l’intérieur, moi qui a tant besoin de la nature lorsque ça ne va pas, je dois « dealer » avec mes pensées, encore et encore. À chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, c’est tout ce que j’ai à faire. Quand tu ne fais que broyer du noir malgré toi, manger est un supplice. Être assise toute la journée, alors qu’habituellement tu fais tout pour ne pas rester assise trop longtemps parce que ça te rend folle. Rester assise = ne pas dépenser d’énergie = garder toutes les calories (?) = anxiété ingérable = retour en force de mon trouble alimentaire. Dans ma tête à moi, c’est ce qui se passe et je suis certaine que je ne suis pas la seule. La maladie recommence ses insultes en force, je suis faible, incapable, je ne mérite pas d’être heureuse… Voilà ce qu’elle me répète sans cesse.
La seule chose que j’ai envie de faire, c’est de tomber en larmes et vider toute cette peine mais, bien sûr, je me retiens. Je veux essayer d’avoir l’air forte face à tout ça, essayer de ne pas trop inquiéter mes proches, donc je garde tout ça en dedans, je garde ça pour moi. Certains vont me dire de lire un livre, que ça occupe et ça change les idées, mais je suis incapable de me concentrer sur quoi que ce soit. Certains peuvent dire d’écouter de la musique… J’en écoute en masse, mais la musique que je choisis est toujours en fonction de mon humeur. Certains peuvent me dire de faire de l’exercice à la maison. J’en fais, beaucoup trop même. J’en ai besoin pour me sentir un peu mieux, ne serait-ce que quelques minutes. Malgré tout ça, j’ai l’impression que ça ne suffit pas, mes pensées ne disparaissent pas et me disent que ce n’est jamais suffisant. Certains peuvent me dire d’écouter un film… Pour moi, cela équivaut à être écrasée sur le divan à ne rien faire. Je suis consciente qu’il n’y a rien de mal à écouter la télévision, mais mon cerveau, lui, ne me laisse pas faire. La culpabilité augmente. Je me dis que je ne devrais pas être assise à écouter la télévision, mais plutôt être en train de faire de l’exercice. Bref, ce que mon cerveau me dit ici, ça ne m’aide pas du tout non plus.
Je ne veux pas avoir l’air de chercher l’attention, avoir l’air « chialeuse », je veux que ceux et celles qui vivent la même situation que moi sachent qu’ils et elles ne sont pas seul.e.s, ni fous/folles. On ne sait juste plus quoi faire pour s’aider. On me donne plein de « conseils » de nutrition et d’alimentation en disant que ça va m’aider. Ouff, ça ne m’aide vraiment pas, avec le confinement en plus! Même si ce sont parfois des conseils bien intentionnés, dans la tête de quelqu’un qui souffre d’un trouble alimentaire, ce n’est pas du tout aidant. Manger mes repas est déjà l’enfer en ce moment, je ne changerai certainement pas mes habitudes. Selon moi, la pire chose à faire lors d’un moment intense de stress et d’anxiété, comme ce confinement, c’est de sortir quelqu’un ayant un trouble alimentaire de sa routine alimentaire. Cela ne fait qu’amplifier l’anxiété. C’est déjà assez difficile comme ça. Notre routine de la journée n’est déjà plus la même, il ne faut pas en ajouter.
Bref, n’hésitez pas à demander de l’aide si vous en avez besoin. ANEB est là pour nous tous et toutes et ils peuvent nous diriger vers les bonnes ressources. Peut-être que vous n’y croyez pas, que vous vous dites que ce n’est pas de parler au téléphone avec un.e inconnu.e qui va vous aider. Je me dis la même chose… mais on ne le sait jamais avant d’avoir essayé. Donc oui, je vais essayer. Dès maintenant.
– Gabrielle
Merci de tout cœur d’offrir cette ressource si extraordinaire!! J’ai 46 ans et j’ai souffert d’anorexie mentale sévère à partir de l’âge de 17 ans.. il y a eu des gros bas, mais la vie a mis sur mon chemin des gens, des ressources qui m’ont aidé lentement mais sûrement… je suis encore au fond de moi fragile, toutes les années qui ont été difficiles m’ont aidé à être une meilleure personne, être une professionnelle de la santé avec mon cœur et être la maman de 2 filles avec qui j’essaie d’être le plus authentique possible. C’est possible de s’en sortir, mais je crois que nous restons toujours fragile comme une ancienne alcoolique. Encore une fois, merci de tout mon cœur pour l’aneb!
Bonjour Caroline,
je tiens à vous remercier de ce précieux témoignage rempli d’espoir et de votre soutien pour ANEB. Je tiens à vous rappeler que si vous avez besoin de parler avec un.e intervenant.e, ANEB est disponible.
Prenez bien soin de vous!
Karine, pour l’équipe d’ANEB.
Bonjour Gabrielle, votre témoignage me touche beaucoup.
Je souffrais d’anorexie mentale restrictive très sévère aussi et j’ai frôlé la mort quelques fois.
Comme vous, j’ai eu les mêmes pensées et les mêmes sensations ( peur d’être inactive, peur de manger, culpabilité à ne pas travailler ,…).
A l’entrée en confinement, j’allais mieux mais je n’étais pas guérie.
Ce dont j’ai aussi eu peur, c’est que tout mes acquis, toutes mes victoires s’envolent, s’effacent, s’oublient. Mais j’ai dit NON. J’ai dit CONTINUE DE TE BATTRE ET D’ALLER MIEUX.
J’ai beaucoup parlé avec ma famille confinée avec moi et ils ont compris mes craintes et m’ont beaucoup épaulée au début. Maintenant, j’arrive à être autonome et je m’en sors plutôt bien.
En France, nous pouvons sortir une heure par jour pour » bouger « . Je m’octroie cette heure quotidienne et le reste du temps, j’apprends à vivre à la maison. C’est bizarre à dire mais avant, je sortais toujours pour travailler, faire des courses, du shopping, des promenades. Finalement, je ne savais plus que j’avais un chez moi. Alors j’ai décidé d’apprendre à le connaitre et j’y ai pris gout.
Oui, je me sens bien à la maison.
J’ai du mal à rester calme, c’est sûr. Mais à la maison, je trouve des activités qui me conviennent : ranger le linge, aller dans le jardin, faire des bricolages. J’essaie de lire aussi et j’allume la télévision. J’essaie de me rendre utile à ma famille et je suis heureuse de les voir bien.
Le confinement aujourd’hui, c’est moins dur que ce que j’avais imaginé.
Je voulais vous écrire pour vous dire de prendre soin de vous, n’ayez pas peur d’être à la maison, c’est chouette comme endroit : ressortez les photos, faire un état des lieux de tout les habits que vous possedez, ça peut être drôle en plus et vous penserez à autre chose.
Courage à vous, à toutes celles et ceux qui souffrent. Ne vous découragez pas.
Merci de partager votre expérience, on se sent beaucoup moins seul(e)s.
Bonjour Sylvie,
merci pour votre part de témoignage sur votre situation en France. Je suis contente de lire que vous vous portez bien et que vous êtes en mesure d’avoir une routine saine et équilibré qui vous fait du bien.
N’oubliez-pas qu’ANEB reste disponible pendant cette période d’instabilité si vous en ressentez le besoin éventuellement.
Prenez bien soin de vous!
Karine, pour l’équipe d’ANEB.