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Oh, ça faisait longtemps que je me devais d’écrire. J’ai perdu espoir lorsqu’on m’a annoncé que le contrat que j’avais obtenu avec une maison d’édition était annulé à la suite du départ de mon éditrice. Je dois avouer que ça faisait près de 6 ans que mon livre devait paraître sur le marché et moi, bien je n’étais pas prête à ça. Je n’avais que 16 ans lorsque j’ai eu le contrat. J’étais en rétablissement de mon trouble alimentaire et j’avais encore tant à apprendre de la vie. Un jour j’étais assise, culpabilisée par l’échec de mon manuscrit, qui n’est toujours pas achevé à ce jour. Je songeais à ce que je pouvais faire pour aider une personne souffrant d’un trouble alimentaire et l’idée d’un texte m’est venue…
Évidemment que j’aurais pu m’épargner, ça aurait été tellement plus simple de cette manière. Sauf que moi, je n’étais pas comme ça…
KILODRAME
J’ai pesé ce poids plume, celui que ton cœur ne peut presque plus supporter mais que ton corps est encore capable d’encaisser. J’ai parcouru l’hôpital psychiatrique à maintes reprises dans le but de me sauver. J’ai côtoyé ceux qu’on surnomme les grands « fous » en m’y incluant moi-même. J’ai sombré dans l’anorexie avec comme seul refuge mon âme. J’ai côtoyé des psychiatres, des psychologues, des infirmiers, des éducateurs spécialisés, des travailleurs sociaux, une ergothérapeute. Si on croyait que je pouvais régler le trouble alimentaire avec la palette médicale, tout le monde avait tort. Je savais que le problème se trouvait bien plus haut que cette dose de prozac avalée chaque matin, et beaucoup plus loin que ces mannequins qui ont elles aussi cette douleur de vivre. Je savais que l’aide de l’hôpital était en partie essentielle, mais la véritable source de guérison, c’était moi et personne d’autre.
Je tremblais sans connaître l’acharnement de mon réel désir de transparence. Vouloir m’éclater la tête sur les murs de l’hôpital pour que ce mal de vivre décolle de mon âme. Me faire la promesse que demain mes os continueront de perler sur ce cadavre rachitique qui était désormais méconnaissable. S’abattre les côtes à coups de poings pour mieux ressentir cette négligence alimentaire. Rivaliser jour et nuit avec la balance. S’enfermer et pleurer de rage mentale. Encaisser les calories qui perturbaient ma tête et mon corps, m’empiffrer pour vomir l’échec, me supprimer d’avantage pour combler ce vide impulsif. Vouloir m’arracher les cheveux du crâne pour quelques grammes de moins sur la pesée. Me détruire tout simplement. L’enfer s’étendait sur mon corps à la pâleur de ma peau devenue frêle. Les morceaux de vêtement qui flottent sur ce squelette qui est mien. M’effondrer dans les couloirs de l’école parce que la carence alimentaire s’était affolée sur mon être. Ma tête et mon corps tout entier perturbés. J’ai vécu dans l’anorexie avec son ignorance et son côté fatidique. J’ai sombré et l’impact a été puissant. J’ai été expulsée de l’école parce qu’on avait peur que je m’évanouisse dans les escaliers, j’ai fugué l’hôpital psychiatrique, parce que je croyais que ce n’était pas l’endroit pour une fille comme moi. Parce qu’évidemment, je n’étais pas malade….
Au cours de mon adolescence, j’ai vécu 8 hospitalisations causées par le trouble alimentaire. J’ai dû aller devant le juge deux fois parce que je refusais toute forme de traitement, et sans l’ombre d’un doute j’étais en danger pour moi-même. Les idées suicidaires et une dépression majeure se sont ajoutées à mon bilan médical. Je voulais disparaître. Complètement. Et un jour vient un déclic, tu comprends que tu n’as pas le choix de te battre, de vouloir changer les choses parce que tu sais qu’au fond de ton être que si tu continue sur ce chemin, tu ne t’en sortiras tout simplement pas.
La faim de vivre
De ces os que j’ai exhibés et tenté de camoufler à la fois, de ces contraintes que je me suis imposées et qui repoussaient toujours plus loin les limites de ma force physique, de ces journées passés entre ces mûrs d’hôpital, je sais qu’aujourd’hui ce n’est qu’un passé incohérent et dévastateur parce qu’aujourd’hui, j’ai plus que jamais la faim de vivre. Alors à toi qui lis ce texte, ne lâche pas. Ne lâche jamais. Je sais que c’est simple à dire, mais tu vas y arriver. C’est possible de s’en sortir, mais malheureusement je ne possède pas une baguette magique qui permettrait une « guérison » immédiate, ni moi ni les docteurs. Tout se déroule avec la volonté et le temps. La rechute existe, et tu ne dois pas avoir peur de la côtoyer.
Prendre le temps de réfléchir, de figurer une sorte de raisonnement efficace pour se sortir d’un problème est le meilleur des débuts… Tu dois vivre pour toi et non pour les autres. Respecte-toi assez pour prendre soin de toi, de ton corps que tu négliges depuis trop longtemps. Aime-toi parce que tu mérites tout cet amour, accepte-toi parce que tu es magnifique, sous toutes tes formes. Parce que la vie ne se résume pas à ce calvaire.
Aujourd’hui j’ai 23 ans, ça fait 6 ans que je me suis rétablie de l’anorexie-boulimie. Je dois te l’avouer, par moments ce n’est pas toujours rose avec mon corps. J’apprends à l’apprivoiser chaque jour, et chaque jour je décide de l’aimer un peu plus. Ça fait 6 ans que mon corps n’appartient plus au trouble alimentaire parce que je me suis dit que j’étais beaucoup plus forte que la maladie. Ça fait 6 ans que j’ai fait de ma guérison ma plus belle victoire.
Nous avons tous des moments de désespoir, mais la bataille en vaut définitivement la peine. Écoute ce que les gens te dévoilent sur toi, et non ce que ta tête te crie. Tu as le pouvoir de tout changer. Et n’oublie pas que le trouble alimentaire ne peut ni ne doit réduire, définir la personne que tu es.
– Véronick Duval
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