Le sujet de l’image corporelle revient souvent dans les préoccupations des personnes ayant des troubles alimentaires. Dans ces préoccupations surviennent la volonté de répondre à des critères précis à l’égard de leur corps. La sévérité et la répétition des critiques envers le corps peut prendre beaucoup d’énergie et oriente l’attention à l’extérieur de soi. Entretenir ce type de rapport avec son enveloppe corporelle peut amplifier les insatisfactions à son égard et occasionner beaucoup de souffrance. Il est intéressant de voir que la perception de notre image corporelle peut aussi influencer la sexualité. En fait, les pensées négatives en lien avec l’image corporelle peuvent accentuer la distraction lors des activités sexuelles, et cela entraîne un effet néfaste sur la sexualité. Cela ressemble à un discours spontané nuisible que l’on se dit à soi-même. Ces pensées automatiques négatives et les émotions négatives qui s’en suivent peuvent facilement parasiter la situation sexuelle. Il n’est pas rare de voir les personnes porter leur attention uniquement sur leur performance sexuelle et sur leur corps, ce qui les décentrerait du plaisir pendant les activités sexuelles.
Ce rapport à la sexualité peut mener jusqu’à l’évitement de certaines positions dans lesquelles les parties du corps perçues négativement sont plus visibles. Par exemple, la personne pourrait se dire « De quoi vais-je avoir l’air si je me positionne comme cela? » ou bien « Je vais essayer de cacher cette partie-là de mon corps ». Ces types de pensées prennent toute la place dans les activités sexuelles, ce qui peut pousser la personne en dehors de son corps, la laissant spectateur.trice d’elleux-mêmes.
Spectoring : quand plaisir devient inquiétude
Ce concept correspond au fait de s’inquiéter des activités sexuelles lorsqu’elles ont lieu plutôt que de les vivre pleinement et de les apprécier. C’est aussi de porter son attention sur des stimulis non sexuels, tels que l’évaluation et l’autocritique de son corps. Porter son attention seulement sur les pensées négatives et critiques envers son corps peut générer beaucoup d’anxiété, ce qui nuit au corps et à l’esprit de laisser-aller. Par conséquent, il arrive de ressentir des émotions négatives comme de la culpabilité et de la honte liées à la croyance d’un sentiment d’échec lors d’une relation sexuelle perçue comme infructueuse. Tous ses facteurs s’additionnent et peuvent mener entre autres à une baisse de désir, à la passivité, à l’évitement de l’intimité et de la sexualité, puisqu’on y retrouve difficilement la sensation de plaisir.
Les bienfaits de la pleine conscience pratiquée dans la sexualité
Bonne nouvelle! Il est possible de se sortir de ce cercle vicieux avec l’aide de plusieurs techniques, entre autres celle de la pratique de la pleine conscience*. Qu’est-ce que la pleine conscience? C’est une technique de méditation dans laquelle on porte l’attention sur ses sensations, sa respiration, ses mouvements, son corps et ses pensées sans jugement. C’est comme faire un « stop » à notre mental et laisser notre corps prendre le « lead ». La pleine conscience peut faciliter le passage vers une sexualité plus satisfaisante grâce au recul des pensées dérangeantes en lien avec l’image corporelle. Cette technique permet de désamorcer le « spectoring » pour renforcer la présence au corps, s’ancrer dans le moment présent et dans l’accueil des sensations corporelles agréables. L’approche de non-jugement de cette pratique facilite la distanciation des pensées négatives en différenciant les productions de l’esprit des faits réels. Par la suite, cela laisse plus de place pour prendre conscience des détails érotiques et sensuels lors d’une situation sexuelle. S’immerger dans cet état d’être pourrait faciliter l’émergence du désir et de l’excitation sexuelle. Au fil du temps, ces éléments peuvent motiver l’engagement dans l’interaction sexuelle et permettent plus d’initiatives dans la sexualité.
* À noter que cette technique s’inscrit parmi une multitude d’autres techniques et qu’il est possible que cela ne s’accorde pas avec vous. Prendre note qu’il est possible que cette technique ne soit pas recommandée selon l’état psychologique d’une personne. Il peut être conseillé de consulter une sexologue ou un autre spécialiste en relation d’aide pour se faire accompagner de façon adéquate et sécuritaire dans ce processus. Cette technique peut aussi prendre du temps, il est important de s’accorder des essais, de la patience et de la bienveillance envers les tentatives.
Comment y aller étape par étape?
- Lors des activités sexuelles, amener son attention sur l’information sensorielle transmise par nos sens dans le moment présent (la chaleur du corps, l’odeur de son/sa partenaire, la sensation du contact du toucher, le son ambiant, la voix de son/sa partenaire, etc.)
- Se centrer sur sa respiration lente et profonde tout en relâchant les pressions et la rigidité ressenties dans le corps.
- Laisser les pensées traverser l’esprit sans jugement, sans essayer de les contrôler, ou de leur donner de l’importance. Laissez-vous tranquillement vous détacher de ses pensées en les laissant venir et partir.
– Jessie Boulay-Laquerre, étudiante en sexologie à l’UQÀM et stagiaire chez ANEB Québec