Grosse grosse joie est le premier livre de Julie Artacho, autrice, photographe et militante féministe anti-grossophobie que vous connaissez peut-être sous le pseudonyme @Coeurdartacho sur Instagram.
Paru cet automne, ce livre s’inscrit dans le mouvement Fat Joy qui prône la libération des corps. Cet ouvrage se veut une reprise du discours dominant entourant le poids et une invitation à se détacher de l’envie de se conformer à des normes de beauté irréalistes. Il nous est présenté comme ‘’une joyeuse rébellion contre la grossophobie’’ !
La douceur, l’esprit de communauté, le caractère humain de ces expériences, la beauté et la bienveillance animent chaque page. On le ressent même dans le choix des thèmes. L’amitié et la communauté, l’alimentation, le mouvement, l’amour, la mode et l’acceptation de soi sont abordés à travers des témoignages inspirants et lumineux. On y retrouve aussi des entrevues avec des spécialistes, dont le professeur Benoît Arsenault, qui remet les pendules à l’heure quant à la fameuse question de la santé des personnes grosses.
J’ai adoré l’ajout de la playlist de la section sur le mouvement. J’ai succombé à la tentation et j’ai mis ma lecture sur pause pour danser sur Bikini de Caroline Rose. Autre coup de cœur pour les conseils qu’on retrouve un peu partout dans le livre, la section pour se préparer à un rendez-vous chez le médecin et le fait qu’on puisse lire dans l’ordre qui nous plaît.
S’il s’agit de votre premier contact avec ce sujet, pas de soucis ! L’autrice prend le temps d’expliquer les concepts importants dès les premières pages. Elle accorde aussi beaucoup d’importance au ton non culpabilisant de son livre.
À qui s’adresse ton livre ?
Ce livre s’adresse à tout le monde. Les personnes grosses qui veulent retrouver un sens de communauté et de partage d’expérience, mais aussi les alliés qui vivent avec des personnes grosses et qui ne savent pas comment naviguer certaines discussions. Je pense aussi aux gens qui veulent réfléchir sur les questions d’image corporelle. Dans un univers où tout le monde a peur de prendre du poids, de montrer qu’on peut être une personne grosse qui vit pleinement sa vie, c’est rassurant et ça peut aider les gens à accepter leur corps comme ils sont. J’espère vraiment que les parents vont le lire aussi ! La façon dont nos parents gèrent la question du poids, ça a un gros impact.
Tu choisis d’aborder ce thème polarisant avec humour. Pourquoi choisir l’humour et la joie comme arme de combat ?
Je pense que c’est la meilleure manière de faire passer un message. On m’avait déjà dit : c’est le fun quand tu parles de grossophobie parce que c’est drôle. Ça confronte moins. Quand on fait des blagues, les gens rient, mais après ils réfléchissent. C’est moins intimidant.
C’était vraiment important pour moi que ce soit accessible ce livre-là parce que des essais qui tombent dans la culpabilisation ou dans le discours universitaire, je trouve que ce n’est pas accessible. L’humour, c’est une bonne porte d’entrée. Et la joie, c’est parce qu’on a seulement qu’une vie à vivre. On ne peut pas passer toute notre vie à être misérable, c’est bien trop triste ! Même si ton corps ne correspond pas à ce que tu voudrais pour le moment, reste que tu peux quand même en profiter. Si tu restes toujours dans l’attente de t’aimer à 100%, tu risques de ne jamais y arriver.
Qu’est-ce qui t’a le plus surpris lors des entrevues que tu as réalisées pour écrire Grosse grosse joie ?
J’ai été vraiment surprise de voir qu’il y a beaucoup d’histoires qui se croisent, de sentiments qu’on pensait être seul à vivre alors que finalement non, d’où l’importance de l’amitié et de la communauté. En grandissant, beaucoup de personnes ont été isolées et c’est en partageant leur expérience qu’ils trouvent des échos dans celles des autres. En se rassemblant, on se rend compte qu’on a vécu des choses similaires et qu’on n’était pas folles de trouver ça difficile.
Sinon, c’était vraiment le fun de rencontrer les gens, de jaser de leur expérience. C’est certain que la rencontre avec Christine et sa fille, Vivianne, c’était extraordinaire ! Elles sont formidables et j’aurais pu avoir 6 pages rien que sur elles. C’était le fun de voir une ado super assumée et belle. Ça m’a donné beaucoup d’espoir en l’humanité !
Est-ce qu’il y a des moments qui t’ont particulièrement touchée ?
Le témoignage de Gabrielle, qui est une personne qui a eu des troubles alimentaires, m’a beaucoup touché. Moi j’ai été chanceuse, je n’ai jamais eu de trouble alimentaire. Je sais à quel point c’est dévastateur et chaque fois que quelqu’un me partage son histoire, ça me fait capoter de voir comment c’est difficile et à quel point ça va loin. C’est vraiment touchant.
Sinon, les séances photo nues, c’était extraordinaire ! Les gens sont tellement généreux de se mettre vulnérables comme ça devant moi. Aussi, ils avaient la chance de se voir d’une façon dont ils ne se voient pas habituellement. Avec mon regard de photographe, je veux les mettre en valeur dans ces photos. Ils étaient super émus de se voir en photo. On m’a dit : je vois ce qui m’accroche dans la vraie vie, mais si je regarde le tout, je trouve ça vraiment beau, je me trouve belle.
Les corps gros sont le fun à photographier. On n’en voit pas souvent et pour moi c’était important d’en montrer. C’est important de voir la diversité des corps gros parce que n’est pas Ashley Graham qui veut ! Les corps prennent du poids différemment et je voulais le montrer.
Tu as fait plusieurs entrevues à la parution de ton livre, est-ce qu’il y en a une question que tu aurais aimé qu’on te pose ?
Les gens m’ont posé de très bonnes questions et ce qui est le fun, c’est qu’elles sont souvent orientées vers ce que la personne a le plus aimé du livre. On ne m’a pas posé beaucoup de questions sur la santé, ce qui est une avancée. Quand je parle de ce projet-là, je n’ai pas le choix de parler de la santé. C’est comme si ce n’était pas crédible sinon. Je pense que les gens étaient capables de voir au-delà de cet aspect-là. Que je sois en santé ou pas, j’ai le droit d’être heureuse.
Cette idée qu’on fait la promotion de l’obésité est tellement ridicule que je dois m’en débarrasser d’abord, sinon les gens n’écoutent pas. Que tu sois d’accord ou pas avec l’aspect de la santé, tu peux quand même écouter tout le reste. On peut tous réfléchir à notre rapport à la nourriture et au mouvement.
Si cet article a piqué votre curiosité, n’hésitez pas à vous procurer ce livre en bibliothèque ou à la librairie ! Sachez que Julie Artacho sera au Salon du livre de Montréal le 27-28 novembre ainsi que le 1er décembre. Toutes les informations sont disponibles sur le site internet du Salon du livre de Montréal.