Lors de la conférence de la Dre. Mimi Israël, dans le cadre de la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires, elle définissait un terme que j’entendis pour la première fois : Le Fat Talk. Le Fat Talk consiste en toutes les remarques et commentaires que l’on peut faire, à l’égard de son poids ou celui des autres, positives comme négatives et qui contribuent à renforcer l’insatisfaction corporelle que les femmes (surtout elles, mais les hommes aussi) peuvent avoir à l’égard de leur corps. D’ailleurs, à ce propos, la Semaine » Le poids? Sans commentaire! » qui est une initiative d’ÉquiLibre et d’ ANEB Québec, a eu lieu en novembre dernier en réponse à ce phénomène.
Depuis la conférence, j’ai décidé de porter attention au Fat Talk que je pouvais entendre autour de moi, ces phrases en apparence anodines que l’on lance ici et là, à gauche à droite, sans y réfléchir plus profondément.
Étant une femme, ayant grandi dans une maison essentiellement composée de femmes et étant stagiaire dans une maison d’hébergement pour femmes en difficulté, j’ai rapidement réalisé qu’il n’y a pas une journée qui passe sans que j’entende ou lise une femme dire des phrases comme :
» Il faut que j’aie un ventre plus plat. »
» J’aimerais perdre du poids. »
» Il ne faut pas que je mange trop de dessert. »
» J’ai pris du poids. »
» Me trouves-tu grosse? »
» Wow, tu as perdu du poids, bravo! »
» Je ne veux pas me faire prendre en photo, je suis trop grosse. »
» Je ne veux pas montrer d’anciennes photos de moi, j’étais trop grosse. »
» L’été arrive, il faut que je fasse attention à ma ligne. »
etc, etc, etc.
Cela se produit particulièrement aux moments des repas, qui devrait être un moment de réjouissance, de partage et de plaisir – parce que oui, il y a un plaisir dans le fait de manger – or, il y a toujours une pointe de culpabilité en trame de fond en raison de ces propos qu’on ne voit plus tant qu’ils sont devenus habituels parmi les femmes. Et je me disais à moi-même et j’en faisais part à mes collègues que c’est incroyable, troublant de voir à quel point ces propos sont intégrés dans notre discours et à quel point ils sont devenus quelque chose de normal, de banal sur lequel on ne se questionne même plus et on ne prend plus la peine de remarquer, tant il teinte notre quotidien. En tant que femmes, nous ressentons souvent de la pression à être parfaite sur tous les plans. Nous nous devons d’être de bonnes mères, de bonnes amantes, de bonnes épouses, des travailleuses hors-pair, des « superwoman » quoi! Et de plus, nous nous devons d’être séduisantes et attirantes de la tête aux pieds jusqu’au bout des ongles. Une actrice qui vieillit sera beaucoup moins bien perçue à la télévision qu’un homme qui vieillit. Prenons comme exemple les Oscars. On s’empressera de critiquer, de pointer du doigt les actrices ne portant pas des robes avantageuses, mais nous n’entendrons bien peu parler de l’habillement des hommes qui passe beaucoup plus inaperçu.
Une personne ayant des assises psychologiques assez solides ne tombera pas forcément dans le piège des troubles alimentaires en raison de cela, mais c’est tout de même quelque chose que socialement et culturellement rendent beaucoup de jeunes filles et femmes à risque, surtout si elles sont en construction au niveau de leur identité et de leur estime de soi et qu’on ne leur propose pas d’autres modèles que ceux présentés dans les magazines et la télévision. Le Fat Talk est quelque chose de très insidieux quand on y pense. Pourquoi ne pas célébrer la diversité corporelle et la beauté intérieure et extérieure des femmes, peu importe leur gabarit?
À la fin de sa conférence, Mme Israël a dit un propos qui m’a laissé songeuse. Elle expliquait qu’il y a 50 ans, on ne croyait pas possible que l’on puisse arrêter de fumer dans les lieux publics, dans les restaurants, les écoles, etc. Puis, à force de travail et de sensibilisation de la population, le problème a largement diminué maintenant rendu en 2014. Si nous faisons ce même travail au niveau de l’image irréaliste qui nous est sans cesse présentée dans les médias, nous pourrions peut-être en arriver au même résultat.
Qu’en pensez-vous?
Des excellentes observations! J’aime surtout les « compliments » sur le poids, du genre: « Coudonc, t’as-tu maigri, toi? ». C’est vraiment une obsession collective!