*La lecture de cet article peut susciter certaines émotions difficiles. Si vous avez besoin de parler, des références ont été ajoutées au bas de la page. Ne restez pas seul.e avec ces émotions.
Drôle qu’à 16 ans j’ai terminé à l’hôpital en overdose volontaire et maintenant, un simple moment à penser quitter la vie me donne des frissons. Je suis sans doute en crise de la quarantaine ou tout simplement humaine, ces derniers temps et j’essaie de connecter la petite Martine de mon enfance à la Martine d’aujourd’hui. J’ai longtemps parlé comme si j’étais une autre personne, comme si je n’avais pas vraiment vécu mon enfance, comme si cette petite fille était une autre personne. Je croyais donc être guérie, mais en réalité j’étais incapable de connecter les pièces de ma vie en un casse-tête qui a du sens. Il ne fera sans doute jamais de sens, mais ce qui me connecte à mon passé me permet de devenir résiliente pour que je puisse tendre la main à ma petite moi.
Le noir, je l’ai connu, je l’ai même voulu à certains moments! À 16 ans, devant la pharmacie à la maison, j’ai pleuré ma vie comme si je ne savais plus quoi faire de celle-ci. Je n’ai aucun souvenir de vouloir mourir à ce moment précis, mais j’ai le souvenir de vouloir arrêter ce sentiment qui m’habitait, ce mal que je m’infligeais et qui m’avait également été infligé. Ce désir de vouloir communiquer sans succès, ce désir de vouloir parler, ce désir de vouloir dénoncer mon agresseur, ouf! Oui, mon agresseur qui m’a tenue sous silence pendant trop d’années de mon enfance! Je voulais comprendre qui j’étais, je voulais comprendre pourquoi, je voulais simplement comprendre. Je ne voulais pas mourir, je voulais vivre mais faire mourir le mal qui m’entraînait dans cette noirceur. J’ai longtemps nommé mon incident une overdose volontaire! Bref, entre une overdose et une tentative de suicide je ne vois plus la différence maintenant, les deux sont souffrantes et je me connecte à ce moment pour avancer dans ma vie. L’élément déclencheur? Qui sait? Mon agresseur? Mon surplus de souffrance? Rendu là tout était noir. Jeune, en panique, la tête tournante des pilules que j’avais englouties, j’ai eu le courage de téléphoner à une amie aux petites heures du matin, car j’ai soudainement compris que le mal quitterait sans doute, mais qu’il pourrait m’emmener avec lui et j’ai eu peur. Je suis sortie de chez moi titubante et droguée en espérant ne pas réveiller mes parents, pour aller rejoindre mon amie qui m’attendait dehors. Elle n’a rien dit, simplement rien dit autre que : « Oh non Martine » avec beaucoup d’empathie! Elle m’a conduite à l’hôpital sans jamais me juger! Ce fabuleux truc noir qu’ils nous font boire en situation d’overdose, j’en ai bu et j’en ai vomi. J’espérais faire sortir le noir en moi par cette méthode, mais encore une fois, pas aussi simple que ça ! J’ai vomi ma vie cette nuit-là et tristement, j’ai aimé le feeling de vomir. J’ai vécu ma boulimie ainsi je crois, dans la souffrance, mais vivante! Toutefois, malgré les années turbulentes qui ont suivi, je considère ce jour-là comme un élément déclencheur à ma survie et un mini pas vers l’accès à la paix intérieure. À mon réveil à l’hôpital, j’ai fait semblant de dormir et j’ai entendu mon père pleurer d’incompréhension me tenant la main. Je me souviens m’être dit : « Mais pourquoi il pleure pour moi ? », comme si je n’en valais pas la peine ! Aujourd’hui, je sais, j’ai compris mais je devais parler pour arrêter cette souffrance. Je devais laisser mon père entrer dans mon cœur également.
Est-ce possible d’être heureuse après la tempête?
Arès bien des essais et erreurs, j’ai compris que peu importe toutes les ressources que je pouvais trouver pour me faire souffrir au fil des ans, elles ne me mèneraient jamais vers mon arc-en-ciel à moi. Je devais aussi accepter les tempêtes et apprendre à communiquer pour me permettre de voir mon bonheur! Je ne vois pas en couleur 365 jours par année, mais je fonce à travers mes tempêtes, grandes ou petites. J’ai réussi à dénoncer mon agresseur à l’âge de 18 ans. Une victoire, une médaille de plus dans mon chemin de vie. Je suis sereine aujourd’hui, mais je ne suis pas à l’abri pour autant du malheur ou des péripéties. Je n’ai aucune idée de ce qu’est la recette du bonheur ou la recette de la guérison. Je sais toutefois que de connecter avec qui je suis m’aide forcément à apprécier le bon comme le mauvais et me permet d’être heureuse et en équilibre.
Un jour, il y a quelques années, en compagnie de mon frère et de mes deux enfants, nous avons visité mes parents à Toronto. Au retour, les 600 et quelques kilomètres à parcourir auraient dû nous prendre environ 6 heures, mais nous ont finalement pris plus de 10 heures, car nous avons vécu toutes les conditions climatiques possibles. Nous sommes partis de Toronto sous un beau soleil, pour ensuite traverser une période de neige et de pluie verglaçante causant un carambolage devant nous et entraînant une fermeture complète de l’autoroute. Assis dans le camion, bien au chaud, nous nous disions tout avoir dans l’auto et que nous étions en vie. Par la suite, nous avons vécu la pluie à nouveau et des vents, pour finalement arriver en sécurité dans le confort de notre maison. À mon arrivée, j’ai dit à mon conjoint, que malgré toutes les tempêtes possibles, nous voulions simplement rentrer à la maison. C’est ainsi dans la vie je crois. Le chemin peut être différent, mais reste que la destination devrait être chez nous, dans notre cœur! Il faut parfois prendre du recul, attendre avec patience ou impatience ou affronter la tempêtes et ses imprévus pour arriver à nous diriger vers notre destination. Il n’y a pas d’autres destinations à mes yeux maintenant.
Est-ce possible de s’aimer ? Est-ce possible d’être heureuse après la tempête? Oui, je le crois. Je vogue en eau douce présentement et je demeure réaliste à l’idée que tout est possible. Cependant, je suis prête à pagayer à nouveau si la vie me l’impose. Je vais prendre mes mains, mon cœur, mes craintes, mes peurs, mes joies, mes rages et ma tête et je les apporterai avec moi.
Martine Calce
Vous avez besoin d’aide? Voici quelques ressources:
Anorexie et boulimie Québec 514 630-0907 (Mtl)/ 1 800 630-0907 (Ailleurs, au Québec)
Ligne ressource provinciale pour les victimes d’agression sexuelle 514 933-9007 (Mtl)/1 888 933-9007 (Ailleurs, au Québec)
Suicide action Montréal 1-866-277-3553
SOS suicide 1-800-595-5580