Quel est l’élément unissant alimentation et sexualité? Le corps. Cette «machine» humaine si complexe à travers lequel nous vivons une panoplie d’émotions et par lequel nous exprimons nos sentiments. Ce canevas de base où nos sens interagissent. Ce mode de communication universel permettant aux gens d’entrer en relation. En effet, il est tout simplement impossible d’aborder le sujet de la sexualité ou celui des troubles alimentaires (TA) sans faire référence au corps humain. Or, comment la sexualité est-elle vécue chez les personnes aux prises avec ces affections?
Bien que le parcours de chaque personne soit unique et que le vécu associé à l’anorexie, à la boulimie et à la compulsion alimentaire soit lui aussi différent, certaines difficultés sexuelles et relationnelles sont cependant souvent omniprésentes.
Il peut être très difficile pour une personne atteinte de la maladie de se laisser aller pleinement à la rencontre de l’autre à travers la sexualité, car la nudité peut devenir une source de stress importante. Lorsqu’on se dénude, on s’expose littéralement à l’autre, à ses regards et à ses jugements. Cet élément peut donc créer un sentiment de perte de contrôle ainsi qu’un état de vulnérabilité chez les personnes atteintes d’un TA. De nombreuses questions peuvent alors faire surface; devrais-je faire confiance à mon/ma partenaire? Vais-je me faire manipuler ou rejeter? Suis-je réellement désirable ou désiré(e)?
Par peur de mettre en lumière leurs «imperfections corporelles», certaines personnes peuvent ainsi choisir de garder quelques vêtements et négocier un degré de nudité. D’autres peuvent même avoir un malaise à exécuter certaines postions qu’elles jugent moins avantageuses ou flatteuses. Quoi que de vivre une sexualité réellement épanouissante ne signifie pas qu’il faut nécessairement en arriver à «tout» faire ou «tout» essayer, il est cependant important de comprendre que le lâcher-prise émotionnel lui, reste un ingrédient essentiel à celle-ci.
Qu’en est-il de l’appétit sexuel? En fait, le désir devient souvent absent ou tente tout simplement d’être évité. C’est que les personnes atteintes d’un trouble alimentaire peuvent associer un manque de désir à une certaine forme de reprise de contrôle de soi et de son corps. À défaut d’en arriver à entrer en relation avec son ou sa partenaire (et faire face à certaines difficultés), une sexualité davantage individualiste peut être souhaitée. Elle se vit plutôt dans les pensées à travers différents fantasmes et désirs. Consciemment ou pas, la sexualité du couple devient alors beaucoup plus contrôlée; c’est l’autre qui doit souvent en arriver à initier les relations sexuelles tout dépendant des préférences (en termes de comportements sexuels ou de fréquence des relations) de la personne concernée.
Bien que les agressions sexuelles ne soient pas systématiquement la cause à l’origine des troubles alimentaires, elles peuvent faire parties des facteurs de risques qui y sont liés. Or, pour une victime d’agression sexuelle, refouler son désir peut devenir un mode de protection contre d’éventuelles agressions. Ne plus vouloir être objet de désir apporte une certaine sécurité. Ainsi, les personnes atteintes qui ont été victimes d’une telle agression peuvent finir par rejeter tout ce qu’il y a de féminin ou de sexuel dans l’apparence physique; leurs seins, leurs fesses, leurs hanches ou leurs cuisses.
Bref, ces sentiments qui cherchent à être surmontés à travers les différents troubles alimentaires, sont souvent ceux étant bénéfiques voire, nécessaires au fait de vivre une sexualité saine et responsable. À cet égard, les attitudes qui y sont associées peuvent en venir à favoriser l’émergence des multiples problèmes sexuels; le dégoût de son propre corps, une difficulté d’abandon, différentes complications au niveau de l’excitation ou l’orgasme et même des douleurs intenses lors de la pénétration.
Somme toute, comprendre les impacts des troubles alimentaires sur l’intimité et la sexualité pendant et suite à la maladie peut être un processus long, complexe, mais essentiel. Il est important de s’accorder le temps nécessaire. Sachez que lorsque l’on ne s’aime pas soi même, on peut difficilement se laisser aimer. N’hésitez surtout pas à consulter un(e) sexologue afin d’aller chercher l’aide pour y voir plus clair. Pour obtenir des références, vous pouvez appeler à ANEB (514)630-0907(Montréal) ou 1-800-630-0907 (sans frais).
Véronique Vincelli, sexologue B.A, pigiste au Journal Métro, blogueuse invitée