Dans le monde du sport, on désigne la nutrition comme un facteur de succès pour les athlètes.
Très tôt, on leur enseigne qu’il y a un lien direct entre ce que l’on met dans nos corps et nos performances… « Le petit-déjeuner est le repas de la journée le plus important, le dîner de la veille de ton épreuve ou de ta compétition déterminera ta performance. Si tu veux des résultats optimaux, tu dois maximiser la qualité de ton alimentation ». Cette vigilance envers la nutrition m’a été inculquée dès l’âge de 12 ans.
À cet âge, j’ai compris que mes choix alimentaires avaient une grande incidence sur mes performances sportives. Ce qui remplissait mon assiette devait alors absolument être bon pour la santé. Sous un effet boule de neige, il n’est pas difficile de croire qu’à 13 ans, j’ai commencé à penser que manger, c’était compliqué. Ce qui remplissait mon assiette devait alors être parfaitement proportionné. À 14 ans, j’ai décidé qu’il était nécessaire de commencer un régime afin de mettre toutes les chances de mon côté pour être une meilleure athlète et pour démontrer ma discipline. Mon assiette n’était désormais plus remplie. La sensation d’avoir faim est dès lors devenue mon quotidien, mon obsession et mon pire ennemi.
J’ai l’impression qu’on nous éduque trop peu à l’école sur les troubles alimentaires. Ce que l’on ne nous dit pas c’est qu’un trouble alimentaire, c’est malin. De ce fait, je n’étais pas consciente que j’avais un trouble alimentaire; je croyais dur comme fer que cette maladie ne pourrait jamais m’atteindre. Je me convainquais que je n’étais pas vraiment au régime et que je m’infligeais seulement une diète afin d’être plus en santé. En prime, j’agissais ainsi non pas pour le regard des autres, mais plutôt dans le but d’améliorer mes performances sportives et d’être la meilleure dans mon sport, le hockey sur glace. Aucun danger pour moi, non?!
Cependant, tout ce que je mangeais était en fonction de l’énergie que j’allais dépenser sur la glace, au point où s’en est devenu une réelle obsession. Moi qui me pensais invincible et en parfaite maîtrise, j’ai rapidement dégringolé de l’orthorexie à l’anorexie sans le vouloir ni même m’en rendre compte. Dégringoler est bel et bien le mot juste. Bien manger n’était plus assez, je voulais devenir encore meilleure; manger le moins possible et bouger le plus possible. Le problème c’est que moins je mangeais, moins je me sentais d’attaque pour bouger. Donc moins je bougeais, plus je me punissais en mangeant moins. Ma vie d’adolescente et de jeune adulte a rapidement évolué dans un cercle vicieux sans fin. En d’autres mots, un vrai cauchemar. Un trouble alimentaire, c’est malin. Il peut commencer par une décision qui peut sembler à première vue anodine, tel que de se priver par l’entremise d’une simple diète qu’on pensait être bonne pour notre santé.
Ce qui commença donc par un régime alimentaire finira par m’avoir coûté ma carrière sportive et 12 années à me battre pour ma vie.
Je suis allée chercher de l’aide. Parfois, dans mes moments plus difficiles, j’en cherche encore. Et je suis fière de l’admettre. Aujourd’hui, je réalise que ma santé n’a pas de prix. Je suis heureuse de dire qu’avec cette nouvelle perspective, je me nourris suffisamment et que je fais de l’exercice parce que je suis reconnaissante de ce que mon corps me permet de faire, non pas parce que je le déteste. Je travaille avec lui et non contre lui. La santé, ce n’est pas donné à tout le monde, je suis reconnaissante d’avoir cette richesse. Mon corps, je fais de mon mieux à chaque jour pour l’honorer, le respecter et pour ne plus jamais le laisser tomber. Finalement, le mot régime n’existe plus dans mon vocabulaire.
– Valerie Gobeil, collaboratrice