C’est bientôt le printemps. On commence à entendre les mots « diète » et « régime » un peu partout. On parle du « bikini body » ici et là : sur les blogues, dans les revues, sur Facebook. Les gens commencent à réaliser que l’été approche à grands pas et qu’il faut, selon les dires, se remettre en forme pour porter un maillot et se « pavaner sur la plage » fièrement.
Quand je souffrais de mon trouble alimentaire, j’osais rarement me promener en maillot. En fait, ça n’arrivait que la nuit ou quand j’étais seule (fallait bien en profiter un peu de ma piscine). Pas question de me mettre en maillot devant ma famille. C’était déjà excessivement difficile pour moi de simplement me regarder dans le miroir. N’ayant pas renouvelé mon bikini depuis des années, j’empruntais les maillots de mes sœurs, n’osant tout simplement pas me rendre au magasin par peur de fondre en larmes.
L’été passé, quand je commençais à aller mieux, je me suis lancé un défi, celui de m’acheter un maillot neuf. Ce n’était pas facile, mais j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis rendue au magasin et j’en ai essayés… et essayés… et essayés. Ça m’a pris du temps. J’ai pleuré un bon coup (la vendeuse était un ti-peu découragée). Mais au final, je suis sortie de là avec un maillot dans les mains et un sourire au visage: j’avais réussi.
Tout récemment, la sœur de mon copain et moi nous préparions à faire une surprise à ma belle-mère : passer toutes trois une journée au spa.
Je décide donc qu’il faut que je m’achète un nouveau maillot, le mien étant défraîchi. Magasinage en vue avec une amie.
J’essaie quelques maillots, rigolade comprise. Elle prend une photo de moi sans que je le sache et ça passe sans que je fasse de commentaires, puisque pratiquement fait à mon insu.
Arrivée chez moi, je tombe sur cette photo de moi en maillot. Au lieu de supprimer la photo immédiatement (réflexe ancien), je prends le temps de regarder en face la photo. Puis, de retourner voir mes photos de l’été passé…
Petit moment.
Je compare les deux photos de moi en maillot et je réalise que depuis que je me suis lancée dans le processus du rétablissement (c’est-à-dire, il y a 4 ans), mon poids n’a pas changé en un an. Pratiquement aucune différence. Je compare la Élyse de 2016 à la Élyse de 2017 et je comprends qu’elles sont identiques corporellement parlant (ou presque : j’ai les cheveux plus longs maintenant).
Depuis le début de mon trouble alimentaire, c’est la première fois que mon poids reste stable aussi longtemps. Ma psychologue me le disait toujours (je l’entends encore dans ma tête): « Quand tu auras nourri ton corps correctement, il arrêtera de prendre du poids et se stabilisera. You just have to push through it. »
Bof. Quand elle me disait ça dans le temps je ne la croyais pas vraiment. Je lui faisais confiance… mais je ne la croyais pas vraiment. Et quand j’ai commencé à me nourrir correctement, j’avais l’impression que cela n’arrêterait jamais : je prenais du poids et j’avais l’impression que ça ne finirait jamais. Chaque mois je devais me débarrasser de certains vêtements ou je me rendais compte que certains morceaux ne me faisaient plus comme avant… Je me disais qu’il fallait que je fasse confiance à mon corps et que je devais persévérer malgré tout (yeah, right…).
Le temps a passé et voilà que je compare une photo de moi, de juin 2016 jusqu’à février 2017.
8 mois ont passé et mon corps n’a pas changé. J’capote.
Ma psy avait raison (BEN OUI, COMME TOUJOURS!).
C’est non seulement une réalisation par rapport au fait que oui, mon poids se stabilise pour vrai, mais aussi par rapport au fait que je suis maintenant certaine que je donne assez d’énergie à mon corps et que je suis finalement en santé. Si mon corps est stabilisé depuis autant de semaines et mois, c’est parce que je prends finalement soin de moi et ça en dit assez sur comment je me suis -bien !- traitée depuis les derniers mois.
Mon corps me fait finalement confiance
Si j’ai arrêté de prendre du poids, ce n’est pas parce que j’ai décidé d’arrêter de le nourrir. C’est parce que pour une fois, je lui ai donné ce dont il avait besoin et ce, pendant une (assez) longue période de temps.
La vérité c’est que lorsqu’on se rétablit d’un trouble alimentaire, on en prend du poids. C’est un fait. Il ne faut pas se poser trop de questions, on passe tellement de temps à le malmener, ce n’est pas étonnant qu’il veuille se protéger en gardant tout ce qu’on lui donne. Le corps reprend ce qu’il a perdu et souvent, en reprend un peu plus « juste au cas. » Il est bien fait au fond, il est wise.
Et là… C’est là que ça se passe. Si on persévère malgré tout en lui donnant la chance de se rendre jusqu’au bout, on se rend compte que bien souvent, ce corps finit par arriver au poids auquel il se sent confortable. Ni plus, ni moins. Avec le temps et la patience. Il se stabilise.
C’est plus simple à dire qu’à faire, oui, je l’avoue. C’est avec beaucoup de persévérance et de confiance. Probablement un des aspects les plus difficiles du rétablissement. Reste que, ce jour-là, quand j’ai comparé les deux photos de moi, j’ai compris que je ne prendrais pas de poids à l’infini.
La prise de poids et le maintien sont extrêmement anxiogènes pendant le processus de rétablissement, mais c’est tellement important de patienter jusqu’au bout et de se donner la chance. Souvent, c’est dans notre tête. Souvent, on surestime le poids que l’on prend ou prendra.
Après tellement d’années à me battre contre ce que je suis et sur ce que je veux être, je réalise que mon poids est et demeurera probablement celui que j’ai en ce moment pour un petit bout encore (ne pas oublier de mentionner les petites fluctuations normales une fois de temps en temps).
Maintenant que j’ai atteint mon poids naturel… je travaille à le tolérer et à l’accepter. Il y a même des jours où je peux dire que je l’aime. Ben oui. Même moi j’ai de la misère à croire que je viens d’écrire ça, mais c’est vrai. Il y en a des jours où « I’m just feeling myself ». Des jours où je me sens belle, des jours où je me donne le droit de porter ce que je veux même si c’est serré ou un peu décolleté.
Mon corps, je l’ai malmené… mais il est comme il est et il me fait confiance à nouveau.
Je trouve que ça en dit long sur le chemin que j’ai fait. Si ce n’est pas une énorme victoire, je ne sais pas ce que c’est.
PS. Je dois quand même dire ici que le corps ne va peut-être pas se stabiliser à un poids avec lequel tu seras satisfait(e). Ça, c’est un autre travail à faire sur l’acceptation de soi et sur le poids naturel. Je fais juste dire ceci: il se stabilise.
PPS. J’ai mentionné dans mon texte que mes deux photos avaient été prises à 8 mois d’intervalle, mais pour d’autres personnes ça peut prendre plus ou moins de temps. Chaque situation est différente et le processus du rétablissement est propre à chacun(e). Fais confiance à ton corps et ne sois pas découragé(e) si cela prend plus de temps pour toi.
Un énorme merci à Laurence et M-B. pour leur petite présence dans mon texte. Laurence, je ne pense pas que j’aurais autant cheminé depuis les derniers mois sans toi. M-B, your words will always have a special place in my mind and heart. Merci xx
Élyse Beaudet
Merci à Dominique Laliberté pour la relecture!