Le simple fait d’imaginer ces heures à être assise à table, ces nombreux plats posés au centre et ces verres de vin bien remplis me donnait la nausée. J’y pensais des jours, des semaines, voire des mois avant le grand soir. De plus, je n’avais pas que le 24 décembre à appréhender. La semaine suivante était également un festival de soupers généreux et de gâteries à profusion, qui ne se terminait que le 31 décembre avec une autre soirée d’alcool, de supposé « plaisir » et de plats à n’en plus finir.
Pour moi, le temps des fêtes, c’était loin d’être un moment de retrouvailles et de gaieté.
Dans mon monde tordu, c’était la plus grande des épreuves : une semaine complète à devoir me contrôler, entourée des mets qui étaient autrefois mes préférés.
Ce n’est pas un secret pour quiconque : cette période de l’année est incroyablement difficile pour les personnes qui souffrent d’un trouble du comportement alimentaire (TCA). C’est la « perte de contrôle » ultime, à laquelle certaines personnes qui ont un TCA songent longtemps à l’avance, pour être bien sûres de pouvoir tout calculer, planifier, contrebalancer… Moi la première.
Mais une année, ce fut assez.
Assez de devoir perdre de précieux moments avec mes proches aux mains de cette maladie qui ne cherchait qu’à m’effacer. Assez de devoir me priver, de tout devoir mesurer et surtout d’angoisser à la seule vue des mets qui me faisaient auparavant rêver.
Deux Noël plus tard, cette année, c’est avec fébrilité que j’ouvre à chaque jour les petites portes de mon calendrier. Je me fiche bien d’avoir « passé l’âge » : je me permets de vivre ces moments desquels l’anorexie m’a privée.
Évidemment, cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’est avec bien du temps et de l’aide que je suis parvenue à dire que je n’ai désormais plus peur de Noël. Malgré tout, ce n’est toujours pas sans une petite boule au ventre que je m’assois à table le 24 ou le 25 décembre. Par contre, aujourd’hui, je fais tout pour envisager cette période de l’année avec sérénité et tolérance envers moi-même. Je sais que ce ne sera pas toujours facile, que certains repas toucheront encore peut-être une corde sensible, mais je n’ai plus qu’un seul mot d’ordre : profiter.
“Je tiens à créer des souvenirs qui auront plus de valeur que le nombre de plats que j’ai réussi à éviter. Je veux être capable d’échanger avec mes proches sans être constamment distante, obnubilée par ma peur d’ingérer ne serait-ce qu’une seule calorie de trop.”
Si vous vous reconnaissez dans mes propos, je vous en prie, ne vous laissez pas vivre cela seul.e.s. Même en cette année déstabilisante, il y a des ressources qui sont disponibles et qui ne font qu’attendre que vous leur tendiez la main. Ne laissez pas le trouble vous voler Noël, ni celui-ci, ni le prochain. Il n’y a pas assez de place pour cette peur dans votre assiette.
Aurélie G.