Quand les gens pensent à l’anorexie, ils s’imaginent souvent un squelette qui ne mange jamais. C’est pourtant une vision extrêmement stéréotypée et fausse qui banalise la complexité de cette maladie mentale. L’anorexie est en fait la maladie mentale avec le plus haut taux de mortalité. Malheureusement, c’est une problématique mécomprise dans notre société, car les troubles alimentaires demeurent un sujet tabou, trop souvent portés par plusieurs préjugés et fausses croyances.
Je m’appelle Emma, et dans cet article, j’expliquerai les multiples conséquences de l’anorexie, une maladie qui affecte toutes les facettes de la vie des personnes touchées, et leur entourage. En effet, les conséquences physiques tel le sous poids ne sont pas les uniques répercussions de la maladie : les sphères psychologique et sociale sont également impactées.
D’abord, il faut définir ce qu’est l’anorexie. Contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, c’est une maladie mentale qui n’est certainement pas un choix. Tous peuvent en souffrir, car l’anorexie ne discrimine pas, peu importe le genre, l’âge, la nationalité, le poids, etc. Ce ne sont donc pas seulement les filles adolescentes qui en souffrent, comme on le montre souvent. Cette maladie mentale est celle avec le plus haut taux de mortalité, de là l’importance d’en parler et de sensibiliser. Elle se définit par une peur intense de prendre du poids, des distorsions de l’image corporelle, une restriction alimentaire inquiétante et des recours à d’autres méthodes dangereuses pour perdre du poids. La personne qui vit avec l’anorexie souffre beaucoup et peut vivre un grand sentiment de solitude, voir d’aliénation.
Pour démontrer l’ampleur des conséquences de l’anorexie, j’ai interviewer cinq jeunes femmes qui en souffrent depuis plusieurs années, une docteure qui travaille à la clinique des troubles alimentaires pour adolescents à Ste-Justine, une intervenante impliquée dans l’organisme ANEB (Anorexie et Boulimie Québec) ainsi qu’une maman qui soutien sa fille dans son combat. L’objectif étant d’établir les impacts biopsychosociaux de l’anorexie afin de sensibiliser les gens et briser les préjugés.
Commençons par les aspects physiques.
L’anorexie peut dans certains cas mettre la vie de la personne en danger. En parlant avec Docteure Taddeo, j’ai voulu savoir quelles conséquences physiques étaient les plus dangereuses. Elle m’a partagé que dans plusieurs cas d’anorexie, il est possible d’observer des complications au niveau cardiaque, qui s’avèrent très dangereuses.
« Comme le corps est en dénutrition étant donné la restriction alimentaire, ses fonctions sont au ralenties pour économiser le peu d’énergie qu’il a. La fréquence cardiaque diminue et peut chuter très bas, ce qui peut engendrer l’arythmie cardiaque et le décès. La pression artérielle peut elle aussi devenir trop basse, résultant en chute de pression et perte de connaissance qui peuvent être néfastes pour le cerveau. »
De plus, les problèmes de débalancements électrolytiques sont communs, à cause du manque de nutriments ou des méthodes compensatoires que la personne utilise. Par exemple, on peut penser à un manque de potassium pour les gens qui se font fréquemment vomir suite aux repas. Ces problèmes sont les plus dangereux et mettent la vie de la personne à risque, mais il y a aussi plusieurs autres symptômes physiques observables. Dre. Taddeo affirme que l’arrêt des menstruations, l’aménorrhée, est une conséquence très fréquente parmi les jeunes filles qu’elle traite. Le faible poids, le stress, l’exercice excessif, un déséquilibre hormonal sont quelque unes des explications à l’aménorrhée. Encore une fois, la bradycardie (un rythme cardiaque très bas) est souvent observée, ainsi que des troubles digestifs (par exemple maux de ventre intense, constipation), la perte de cheveux, avoir constamment froid, la peau sèche, etc. Ces symptômes sont ceux que Dre Taddeo voit le plus souvent parmi les patients. Certaines conséquences peuvent être plus à long-terme, par exemple, une aménorrhée prolongée peut augmenter les risques d’ostéoporose, car la densité osseuse est réduite. Les problèmes de fertilité peuvent aussi en résulter. Il est possible de renverser ce statut de santé, mais lorsque la personne dépasse les 20 ans, cela devient de moins en moins probable. La durée de la maladie joue un rôle important dans la persistance des symptômes et leur intensité. Chez les patients qui développent la maladie dès un jeune âge, un arrêt de la croissance peut subvenir et dépendamment de la durée de la phase restrictive et dénutrie, cette croissance ne sera pas toujours pleinement rattrapée.
Parmi les filles avec qui j’ai discuté, les débalancements électrolytiques ont été mentionnés ainsi que le froid, la fatigue et sentiment de faiblesse, la peau sèche, les problèmes au niveau du rythme cardiaque, la perte de cheveux, les troubles digestifs et l’aménorrhée. Ayant toutes été hospitalisées, elles mentionnent que les problèmes cardiaques ont souvent été la cause pressante qui les a mené à l’hôpital. Les débalancements sanguins sont aussi une raison pour ces interventions médicales intensives. La conséquence qui semble durer le plus longtemps est l’arrêt des menstruations, qui comme mentionné, peut mener à l’ostéoporose et l’infertilité. La particularité des dangers physiques du trouble alimentaire est que malgré les risques mortels impliqués, il n’est pas rare que la personne soit résistante à aller chercher de l’aide, car l’anorexie est tellement forte et elle banalise les dangers, ce qui maintient la personne dans ses comportements destructeurs. Certaines ont confié qu’elles pouvaient ressentir une faiblesse extrême ou même des crampes cardiaques, mais le trouble alimentaire les convainc que ce n’est pas si grave. L’anorexie devient plus importante que leur propre vie.
Considérant que l’anorexie est d’abord et avant tout une maladie mentale, il est évident que les conséquences sont nombreuses au niveau psychologique.
Parmi les patients qu’elle rencontre, Dre. Taddeo affirme que les répercussions psychologiques les plus souvent manifestées sont le manque de concentration, des changements drastiques dans l’humeur, un découragement significatif face à la situation, de l’anxiété et l’isolement. En ce qui concerne l’anxiété, il est fréquent d’observer des diagnostics de cette catégorie s’ajouter à celui de l’anorexie, par exemple, des troubles obsessifs compulsifs (TOC), l’anxiété sociale et l’anxiété de performance.
Les jeunes femmes avec qui j’ai parlé ont presque toutes identifié l’anxiété parmi les autres troubles de santé mentale apparus ou amplifiés avec l’anorexie. La dépression semble également être un problème courant parmi les patientes lorsqu’un désespoir inquiétant s’installe. L’anorexie engendre une énorme détresse psychologique chez la personne qui en souffre, et cela peut compliquer son quotidien de plusieurs façons. Trouble alimentaire ou pas, l’alimentation et les repas font partis du quotidien. Trois fois par jour, il faut manger, et cela est sans compter les multiples occasions et événements où il y a de la nourriture. Comme une personne qui souffre d’anorexie peut vivre énormément d’anxiété face à tout ce qui concerne la nourriture, le geste banal de manger devient une source de stress dont il est difficile de se détacher. Conséquemment, les activités sociales sont évitées, ce qui peut en partie expliquer l’isolement. Afin de ne pas être confrontée à des situations délicates comme un souper de fête avec du gâteau, une sortie au resto, une réunion familiale, etc., la personne se referme sur elle-même et refuse les invitations. Il y a aussi une diminution importante de l’énergie. Si la personne se sent souvent faible et fatiguée, il peut être difficile de participer aux activités et sa motivation devient absente. Le manque de concentration est un réel défi pour les travaux et tâches scolaires, et cela sans compter le fait que beaucoup des personnes touchées souffrent également d’anxiété de performance … La sous-alimentation et le manque de nutriments ainsi que toutes les pensées obsessionnelles qui tournent autour du trouble alimentaire rendent le « ici et maintenant » presque impossible.
Les résultats peuvent baisser et la personne peut vivre cela comme un échec, raison de plus pour alimenter les pensées destructives. Effectivement, la personne souffrant d’anorexie peut être très dure envers elle-même. Elle se critique constamment et ne se trouve jamais à la hauteur de ses propres attentes. Les exigences posées sont souvent inatteignables et irréalistes, mais elle se juge quand même chaque fois que la perfection n’est pas atteinte. Dre Taddeo fait référence à un « bully » qui attaque sans arrêt l’intégrité de la personne et diminue sa valeur. Le jugement que la patiente a envers elle-même peut être au niveau corporel, et les distorsions cognitives n’aident pas ce problème. Si en plus de juger son corps de façon extrême, la personne ne se voit pas comme elle est réellement (elle peut se voir pire, c’est-à-dire plus grosse qu’elle est vraiment), cela empire sa détresse. Les participantes avec qui j’ai discuté ont relevé des exemples de discours internes qui démontrent bien le jugement sans remords que l’anorexie apporte : tu es grosse, tu es un monstre, tu ne mérites pas de manger, etc. Ces pensées peuvent tourner en boucle au quotidien. Il y aussi le sentiment de culpabilité qui est très présent, soit une certaine honte et regret intense après avoir mangé. Ce sentiment prend beaucoup de place et affecte l’humeur de la personne. En parlant aux cinq participantes, je leur ai demandé quel pourcentage de leurs pensées l’anorexie occupait. Elles m’ont toutes donné un chiffre en haut de 85%, et trois d’entre elles ont dit 100%. Cela démontre à quel point cette maladie est handicapante, car il n’y a plus de place pour rien d’autre dans la vie de la personne. La détresse psychologique a été décrite comme une oppression constante, un conflit entre le trouble alimentaire et la raison. On peut penser au déchirement de recevoir une pression externe pour manger, mais une culpabilité trop forte générée par le trouble alimentaire. Elles ont identifié que ce combat mental est lourd et épuisant, ce qui mène à un découragement important. Il n’y a plus d’espoir, elles se sentent dans une prison sans issues, car elles n’arrivent pas à se détacher des pensées du trouble alimentaire. Certaines ont mentionné des idéations suicidaires qui sont apparues avec toutes ces pensées très noires. Elles expliquent aussi qu’elles sentent une grande incompréhension de la problématique par l’entourage, les amis et la famille. La complexité de la souffrance psychologique qu’elles vivent est si difficile à expliquer, créant un sentiment d’aliénation. Elle se sentent déconnectées des autres jeunes de leur âge, car elles sont mentalement ailleurs et cela peut être difficile à expliquer à une personne qui n’expérimente pas les mêmes pensées. La peur d’être jugé est une autre raison pourquoi elles n’en parlent pas, ainsi que le sentiment d’être un fardeau pour les proches. Expliquer leur réalité complexe avec la peur d’être jugées et incomprises demande beaucoup d’énergie, alors plusieurs choisissent de simplement refouler la souffrance.
L’intervenante travaillant pour l’organisme ANEB, Karine Pendleton, affirme que les troubles alimentaires génèrent beaucoup de détresse psychologique, en partie à cause du sentiment d’impuissance. Que ce soit la personne qui le vit ou son entourage, on peut se sentir dépassé par la situation qui est hors de notre contrôle. Les personnes avec le trouble alimentaire voient tout noir et perdent espoir, puis les proches peuvent s’inquiéter ne sachant pas comment aider. La maladie prend toute la place dans la vie de la personne et cela peut être difficile à accepter pour tous. La ligne d’écoute disponible chez ANEB reçoit parfois des appels de détresse intense ou la personne manifeste avoir des idées suicidaires. Cela explique en partie pourquoi l’anorexie est la maladie mentale avec le plus haut taux de mortalité, car en plus des dangers physiques imminents, la détresse psychologique peut mener la personne à mettre fin à sa vie. Comme le trouble alimentaire est si fort et toujours présent, la personne perd ses intérêts antérieurs et se referme sur elle-même, prisonnière des pensées destructives du trouble alimentaire. Madame Pendleton a donné quelques exemples de pensées que les gens ont, et ce sont des critiques dévalorisantes qui détruisent l’estime de la personne.
« Je ne vaux rien, je ne mérite pas d’aide, je ne mérite pas d’amour et de respect, etc.. »
Finalement, il est important de mentionner comment cette maladie affecte la sphère sociale, autant pour la personne qui le vit que pour son entourage.
En effet, les gens qui sont proches de la personne peuvent également souffrir, car c’est un long combat complexe qui demande une grande patience et beaucoup de compréhension de la part de tous. Comme l’intervenante d’ANEB le mentionne à plusieurs reprises, l’impuissance est un sentiment difficile à gérer, et l’entourage peut rapidement se sentir dépassé et inquiet. La conséquence sociale la plus importante pour les personnes souffrant d’anorexie est leur tendance à s’isoler des autres. Dre. Taddeo remarque un retrait du cercle d’amis, car le temps et l’énergie investis dans les obsessions alimentaires résultent en perte d’intérêt d’être avec les autres. La personne s’isole aussi en évitant les situations impliquant de la nourriture, qui sont fréquentes dans la vie de tous les jours (ex : resto, fête, soirée entre amis, etc.). Le manque d’énergie contribue à l’isolement selon elle, ainsi que la peur du jugement des autres. Cet isolement est un cercle vicieux : plus on s’isole, moins on vit d’expériences donc moins on a de choses à partager avec nos amis. Cette absence d’expériences sociales peut freiner le développement psychosocial de la personne, car elle n’apprend pas à créer des relations et vivre avec les autres en expérimentant des activités normales pour son âge. Les candidates interviewées confirment que l’anorexie les a empêché d’avoir une adolescence « normale », car avec les rendez-vous fréquents à l’hôpital, les hospitalisations et l’école manquée, il devient difficile de se mêler aux autres. En plus, elles disent aussi que même quand elles étaient physiquement présentent, elles étaient mentalement ailleurs, car le trouble alimentaire prenait toute la place et les pensées obsessionnelles tournaient en boucle, les empêchant d’être dans le moment présent avec les autres. La déprime, la grande fatigue et l’instabilité de l’humeur sont des facteurs qu’elles ont aussi nommés qui contribuent au retrait du cercle social. Avec tout ça, elles n’avaient plus envie d’être avec leurs amis qui ne comprenaient pas vraiment leur réalité. Les relations amoureuses sont elles aussi impactées : elles sont souvent absente pour plusieurs raisons. D’abord, le manque d’hormones explique un faible intérêt à être en couple, mais il y a aussi le facteur de la mauvaise estime de soi. Il peut être difficile de laisser une autre personne entrer dans sa vie en se dévoilant à cette personne si on ne s’aime pas nous même. L’intervenante chez ANEB confirme que plusieurs se sentent isolés et évitent les occasions sociales qui deviennent trop confrontantes et anxiogènes avec la présence du trouble alimentaire. Elle dit aussi que les symptômes dépressifs ainsi que les changements d’humeur contribuent à l’isolement, car la personne n’a pas vraiment envie d’être avec les autres, en plus d’avoir l’impression que ceux-ci ne comprennent pas sa souffrance. Les nombreux stéréotypes et préjugés à propos des troubles alimentaires peuvent isoler la personne, car elle a peur de se faire juger. Par exemple, une des fausses croyances à propos de l’anorexie est que cette maladie est un choix. Si les gens ne comprennent pas bien que c’est une maladie mentale souffrante et compliquée, ils peuvent réprimander la personne de ne pas faire d’efforts ou d’autres commentaires blessants de la sorte. La personne souffrant d’anorexie s’isole beaucoup, mais il arrive que l’entourage isole cette personne involontairement aussi. Si ceux-ci se sentent dépassés et trouvent que la situation est trop lourde, ils peuvent mettre la personne de côté. Une autre raison très concrète qui peut expliquer l’isolement de l’anorexie dans certains cas est les hospitalisations. Quand la personne doit être retirée de son milieu scolaire et ses activités pendant un certain temps afin d’avoir une supervision intensive à l’hôpital, il y a une brisure avec les amis et les proches. Dre Taddeo explique qu’il peut être difficile de renouer les liens et conserver des amitiés qui sont difficilement entretenues à l’hôpital. Outre l’isolement et les difficultés avec les amis, l’anorexie est une maladie qui génère énormément de conflits et tension au sein d’une famille. Les relations parents-enfants ou avec les partenaires amoureux sont mises au défi. D’abord, Dre Taddeo partage le fait que les parents sont souvent très inquiets et il peut être difficile d’intervenir auprès d’un jeune qui n’est pas ouvert à recevoir de l’aide. Cette résistance aux traitements engendre des chicanes et l’inquiétude ne fait qu’alimenter les confrontations. L’inquiétude vécue par les amis et la famille est un facteur que les participantes ont relevé, mais elles ajoutent que le sujet était difficile à aborder, surtout au début lorsque le déni est plus présent.
Certaines relations qui étaient autrefois très bonnes peuvent s’abimer en présence de l’anorexie. Les interactions entre frères et sœurs sont un bon exemple : il peut devenir plus difficile de connecter, par peur de blesser la personne ou simplement ne sachant pas quoi dire pour aider ou aborder le sujet. Les membres d’une famille peuvent être constamment en train de marcher sur des œufs, surtout si le sujet est plus tabou et si on sent que la personne souffrant d’anorexie n’est pas ouverte à en parler. Les filles avec qui j’ai discuté ont partagé que leurs relations ont changées au courant de la maladie. Elles ont perdu contact avec plusieurs personnes, en partie à cause des hospitalisations, mais aussi parce que le trouble alimentaire prenait trop de place et il n’en restait plus pour les amitiés. Les conflits familiaux semblent inévitables, car elles relèvent toutes que les tensions étaient exacerbées et il y avait des confrontations au quotidien autour des repas. La colère est une émotion qui a été nommée et celle-ci peut être expérimentée autant par la personne qui souffre d’anorexie que par son entourage. Celle-ci peut être fâchée de se faire contrôler et de se faire forcer à manger sous surveillance stricte et le parent peut être en colère envers la situation et le refus d’aide que le jeune manifeste. Les frères et sœurs aussi peuvent ressentir de la colère, car ils peuvent se sentir négligés si les parents doivent porter toute leur attention sur le jeune malade. Dans les relations amoureuses, le partenaire peut se sentir délaissé, car le trouble alimentaire est toujours la priorité.
Les filles ont nommé que l’arrêt de leurs activités comme le sport ou l’école les a éloigné de leurs amis et après la maladie, elles ont dû reconstruire leur cercle d’amis. Ayant toutes identifié l’isolement comme conséquence sociale principale, elles expliquent qu’elles ne ressentaient pas de plaisir quand elles étaient avec les autres. Elles ne se sentaient pas connectées aux autres jeunes ne vivant pas les mêmes expériences (ex; party versus hospitalisations), comme Dre Taddeo a expliqué. Étant donné leur humeur déprimée et leur souffrance psychologique, il arrivait souvent de camoufler leurs réelles émotions et faire semblant avec leurs amis, ce qui demande une énergie qu’elles n’avaient pas. Cela résulte en amitiés peu profondes et un sentiment de solitude même lorsqu’entouré. Il n’y a donc plus de désir à être avec les autres. L’intervenante chez ANEB ajoute le principe que certains jeunes se font imposer un plan alimentaire à respecter par leur équipe traitante, ce qui peut être très difficile à intégrer pour la personne malade. Il y a donc de constantes tensions aux repas, car les parents tentent de faire manger le jeune qui refuse de suivre son plan. Comme elle le mentionne, il n’est pas évident de comprendre les troubles alimentaires, donc l’entourage peut être maladroit et encore une fois, le sentiment d’impuissance génère beaucoup d’émotions difficiles chez les proches inquiets. Il arrive que les parents ressentent de la culpabilité face à la souffrance de leur enfant, mais il n’y a jamais une seule cause aux troubles alimentaires et le plus important est d’être à l’écoute de la personne dans le non-jugement, selon Madame Pendleton.
Le rôle d’un parent est à la base très demandant, mais lorsqu’un enfant éprouve un enjeu de santé mentale comme l’anorexie, ce rôle devient encore plus complexe et ardu.
J’ai échangé avec une maman qui accompagne sa fille dans l’anorexie depuis sept ans. Après plusieurs hospitalisations, interventions, traitements et thérapies, la maladie demeure présente et cette maman partage à quel point le rôle du parent est sollicitant. Les parents souffrent eux aussi indirectement du trouble alimentaire, car il est excessivement accablant pour un parent de voir son enfant en détresse. En plus, le sentiment d’être impuissant face à cette détresse peut être confrontant. Concernant les troubles alimentaires, on ne sait pas exactement comment intervenir et les impacts physiques ainsi que la détresse psychologique (comme les idées suicidaires) font peur. L’impuissance est majoritairement à la source de cette souffrance parentale, car lorsqu’on parle d’enjeux de santé mentale, accompagner la personne requiert un certain détachement et cela peut être difficile à accepter pour un parent qui veut entreprendre des actions pour aider rapidement. C’est un long cheminement et c’est difficile de laisser la personne progresser à son rythme. De plus, l’anorexie est difficile à comprendre. La dynamique de famille est affectée, car selon elle, les membres d’une famille sont interreliés donc quand un membre ne va pas bien, il y a des répercussions sur les autres aussi. C’est difficile d’aller bien quand on voit son enfant se battre contre un monstre au quotidien, comme elle le nomme. Le lâcher prise est un défi énorme. L’engagement émotif est très fort donc c’est dur d’accepter que le cheminement appartient à la personne. On ne peut pas aller mieux pour elle. Le parent peut la soutenir et montrer un amour inconditionnel, ou aider à aller chercher de l’aide, mais le reste n’est pas dans son contrôle. Elle confie qu’au début de la maladie, elle a vécu beaucoup de détresse psychologique et elle est allée chercher de l’aide pour elle afin de demeurer apte à aider sa fille. Elle dit que l’anorexie est une épreuve qui exige d’un parent à devenir le meilleur parent qui soit, car ce rôle demande une mobilisation constante et beaucoup d’énergie pour aider son enfant. Surtout considérant que ce combat est long, le parent doit s’assurer de préserver sa propre santé mentale également.
Pour terminer, j’ai demandé aux participantes s’il y avait une chose qu’elles aimeraient que les gens sachent à propos de l’anorexie.
Elles ont mentionné qu’une écoute plus attentive de la part de l’équipe traitante serait aidante afin d’intervenir adéquatement et de trouver des stratégies réellement adaptées pour l’individu. Un entourage qui est présent pour la personne dans le non-jugement est important aussi, plutôt que des conseils bien intentionnés qui ne sont pas toujours aidant de la part d’une personne qui comprend plus ou moins l’ampleur du problème. Le poids n’a rien à voir avec l’état de la personne : même après une reprise de poids, la souffrance mentale peut être aussi forte et le trouble alimentaire tout autant présent. Le contrôle alimentaire cache un mal-être plus profond, c’est seulement un mécanisme mal adapté pour gérer une souffrance interne trop forte. Sur une note plus positive, l’une des participantes a mentionné quelque chose d’important : il ne faut pas perdre espoir, le rétablissement peut prendre beaucoup de temps, d’effort et d’énergie pour aller mieux, mais c’est possible.
** Cette étude a été faite auprès de cinq jeunes femmes âgées entre 19 et 22 ans, la mère d’une personne souffrant d’anorexie, Dre Danielle Taddeo et l’intervenante Karine Pendleton (ANEB).
– Emma, collaboratrice spéciale d’ANEB
Si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas à contacter l’un de ces organismes :
Bonjour,
J’ai écrit en 2019 « Moi, ange et démon : Mémoires d’une famille ». Mon anorexie mentale a débuté il y a 29 ans ; je pesais 78kgs à 25 ans et 6 mois 1/2 plus tard plus que 29kgs. Je rivalise toujours avec mes troubles du comportement alimentaire, mais de nombreux autres troubles sont venus s’associer : graves dépressions chroniques avec 4 tentatives de suicide, fibromyalgie, borderline, problèmes de concentration, de la mémoire, de l’humeur… Actuellement suivie via des groupes de parole à « PsyPro » (Bezannes – Marne), j’ai fait beaucoup de travail sur moi-même. Dans un même temps, je suis, depuis le 5/12/22 en arrêt de travail de longue maladie (pour 3 ans). Je sais qu’une reprise me sera TRES compliquée ; en revanche, je l’ai mûrement réfléchi, ce que je souhaite vivement = apporter mon témoignage direct dans toute la France. L’anorexie mentale se développant à l’âge adulte est encore bien différente que pour les jeunes et ados et si mon témoignage peut sauver (ne serait-ce qu’une vie), alors mon combat ne sera pas vain. Mais seule, je n’ai aucune chance… Je suis une combattante, mais j’ai besoin de « sponsors », d’aides d’associations, de médecins…
Mon engagement sera bénévole et au moins, je me sentirai UTILE, au lieu de me sentir « une véritable merde » au travail. Aidez-moi SVP !!!
Bonjour,
Merci pour votre message. Je constate qu’il est important pour vous de partager votre histoire dans le but de rejoindre et d’aider d’autres personnes vivant des difficultés similaires. Notre organisme est basé au Québec, mais je vous laisse tout de même le lien vers notre formulaire d’inscription au bénévolat : https://anebquebec.com/impliquez-vous-comme-benevole .
Par ailleurs, si jamais vous en ressetez le besoin, sachez que vous pouvez nous contacter via l’un de nos services :
– Nous avons une ligne d’écoute & de référence que vous pouvez contacter en composant le 514 630-0907 (Montréal) ou le 1 800 630-0907 (ailleurs au Québec) entre 8h AM et 3h AM.
– Nous avons un service de texto qui est disponible du lundi au vendredi de 11h à 20h. Vous pouvez échanger avec un·e intervenant·e en écrivant au 1 800 630-0907.
– Nous avons un service de clavardage accessible en suivant le lien suivant : https://anebados.com/clavardage/. Ce dernier est disponible du lundi au vendredi de 16h à minuit et de midi à 21h la fin de semaine.
N’Hésitez pas à nous contacter!
Bonjour Mme Vespa Ely-Ann,
Je vois que vous êtes en France, je vais aller regarder pour me procurer votre livre.
J’ai vécu des années avec une personne anorexique, adulte. Nous savons des enfants en commun.
Est-ce qu’il serait possible d’échanger ? Avez vous une adresse Email à partager ? Un site internet sur lequel on pourrait prendre contact ?
Merci d’avance
thmas.b _AT_ gmail.com
Bonjour Thomas,
Nous tenons à souligner l’importance des proches dans le rétablissement des troubles alimentaires. Sachez que nous offrons également du soutien pour les proches. N’hésitez pas à nous contacter si vous en ressentez le besoin. Voici une liste de nos différents services d’aide :
– Nous avons une ligne d’écoute & de référence que vous pouvez contacter en composant le 514 630-0907 (Montréal) ou le 1 800 630-0907 (ailleurs au Québec) entre 8h AM et 3h AM.
– Nous avons un service de texto qui est disponible du lundi au vendredi de midi à 20h. Vous pouvez échanger avec un·e intervenant·e en écrivant au 1 800 630-0907.
– Nous avons un service de clavardage accessible en suivant le lien suivant : https://anebados.com/clavardage/. Ce dernier est disponible du lundi au vendredi de 16h à minuit et de midi à 21h la fin de semaine.
– Nous offrons également des groupes de soutien pour les proches. Vous pouvez retrouver les informations ici : https://anebquebec.com/services/groupe-de-soutien-ouverts/groupe-pour-proches & https://anebquebec.com/services/groupe-de-soutiens-fermes/pour-les-proches
Prenez bien soin de vous au travers de tout ça!