La peur de manger, je pense que nous la connaissons tous un peu… Que ce soit de par notre propre expérience ou peut-être par une personne proche de nous. Quand on parle d’aliments « mauvais », quand on refuse de manger un aliment par peur de grossir, par peur que ça nuise à notre santé, quand on ressent du stress à l’idée de manger quand on a faim ou quand on évite tout simplement de manger, c’est un peu tout ça, la peur de manger. Bien entendu, on retrouve cette peur de manger dans les troubles alimentaires, mais elle ne se limite pas à ça. Nous tous et toutes pouvons, à certains moments de notre vie et au gré de nos expériences, ressentir la peur de manger.
Quand nous y réfléchissons, la nourriture est un élément tellement rassembleur : combien de fois nous réunissons-nous autour d’un bon repas? Un nombre incalculable de fois, me paraît-il! L’alimentation peut aussi refléter nos racines culturelles, nos fiertés d’appartenance socioculturelles et familiales. Elle représente l’hospitalité témoignée par nos êtres chers (pensons aux concoctions de nos parents ou aux douceurs préparées par nos grands-parents), c’est une forme d’amour et de don de soi. La nourriture représente aussi une de nos premières mémoires, une de nos premières actions dans notre vie. Elle représente nos souvenirs les plus vifs, associés à tellement d’odeurs et de goûts. Nous comprenons l’importance de la nourriture dans nos vies. Alors pourquoi est-elle source de tant de peurs et de difficultés malgré tout? En illustrer les beautés et les plaisirs n’invalide en rien la souffrance que manger peut provoquer.
Puisque se nourrir est un besoin vital, il paraît important de nous demander pourquoi nous pouvons avoir peur de manger. À première vue, par instinct, aucun être vivant ne pourrait éprouver cette peur dans la nature sauf peut-être si la nourriture est associée à des souvenirs, des événements négatifs. Alors pourquoi la peur de manger est-elle parfois présente? Certains blâmeront, avec une certaine justesse, notre culture qui peut nous aliéner de nos besoins les plus fondamentaux, mais il me semble aussi y avoir autre chose pour en expliquer l’importance.
Selon mon expérience, la peur de manger représente plutôt le transfert d’autres peurs sur quelque chose de plus concret et surtout plus contrôlable, soit l’alimentation. Il peut être plus simple d’éviter ou de résister à certains aliments plutôt que de reconnaître et d’affronter notre estime de soi défaillante, nos vulnérabilités, notre manque d’affection, notre solitude et nos peurs que nous n’arrivons pas à exprimer. Le contrôle et la relation avec la nourriture en viennent ainsi à prendre des proportions impressionnantes, ce qui est tout à fait compréhensible. Imaginons l’expérience, un peu simple, d’attribuer toutes nos peurs à un aliment, de projeter tout le négatif que nous vivons dans notre vie sur cet aliment comme pour nous défendre face à lui. Nous en aurions une peur inimaginable, non? C’est à ça que nous faisons référence quand nous parlons de la peur de manger et c’est ce que beaucoup de personnes vivent au quotidien. C’est un processus qui peut-être sournois, qui s’établit indépendamment de notre volonté, pour faire face à nos difficultés et nos émotions, et qui nous éloigne d’une alimentation « normale ».
Mais qu’est-ce qu’une alimentation « normale »? La réalité est qu’elle dépend de chacun de nous. C’est une alimentation qui nous permet de nous nourrir, de nous sentir bien socialement, de participer à toutes nos activités et qui peut parfois même nous réconforter. C’est une alimentation qui est loin d’être parfaite, mais qui varie au gré de nos humeurs et de nos besoins. Surtout, c’est une alimentation qui nous fait du bien dans tous les sens du terme (physique, social et émotionnel), et donc, qui nous rassasie sur tous ces plans.
Puisque manger et la peur de manger est différent pour chacun de nous, cela vaut la peine de se poser des questions sur le rôle de la nourriture dans notre vie. Je vous invite donc à réfléchir à ces questions :
- À quoi la nourriture me sert-elle?
- Quel vide la nourriture permet-elle de combler pour moi?
- Quelle place la nourriture prend-elle dans ma vie?
- Comment puis-je améliorer ma relation avec la nourriture?
- Quand ai-je peur de manger?
- Y a-t-il des aliments qui me font plus peur que d’autres?
- Quels trucs pourrais-je me donner ou donner à une autre personne qui a peur de manger?
Pour conclure cette réflexion, je vous offre quelques idées qui peuvent apaiser cette peur de manger dans le contexte d’un trouble alimentaire ou autre. N’hésitez pas à y ajouter les vôtres!
- Se distraire en mangeant en écoutant de la musique, des histoires, etc.
- Se distraire en profitant de moments avec des gens que nous aimons.
- Prévoir des activités agréables et calmes pour après les repas.
- Réapprivoiser peu à peu les aliments qui nous font peur, tout en conservant ceux qui nous sont réconfortants.
- Profiter de la structure de manger avec d’autres en mangeant les mêmes choses au même moment.
- Découvrir des plaisirs culinaires en voyageant, en lisant, en discutant et en expérimentant avec la nourriture.
- …
Bref, pour moi, une alimentation « normale » est une alimentation qui évoque du plaisir. Si, au contraire, vous ressentez une souffrance en lien avec la peur de manger, qu’elle soit petite ou grande, que cette peur vous semble problématique pour vous ou un de vos proches, je vous encourage à aller chercher de l’aide. Vous êtes loin d’être seul.
– Marie Grimard, intervenante chez Anorexie et boulimie Québec (ANEB)
Ce texte fût rédigé dans le cadre d’une collaboration avec le Centre d’intégration libre de Laval (CILL) et a parût dans l’édition de juin 2020 de leur Journal.
Quelle belle réflexion! Je m’y retrouve entièrement.
C’est bien ça, la peur de manger. Cela fait bien une vingtaine d’années qu’elle m’habite. Un quatre ans plutôt atroce à la fin de mon adolescence, que j’ai fini par surmonter quand la peur d’en mourir ou de ne jamais pouvoir donner naissance à un enfant est devenue plus grande que la peur de la nourriture. Petit à petit, j’ai retrouvé un semblant d’équilibre et un poids près de mon poids santé.
Mais cette peur de manger est restée. Parfois envahissante, parfois tolérable, mais je réussissais à garder le cap. Jusqu’à ce printemps, alors qu’une dépression m’a fait perdre tous mes moyens. Insidieusement, l’anorexie est revenue, se frayant un chemin à travers mes pensées, jusqu’à y être maintenant omniprésente. Cette peur de manger que je croyais avoir maîtrisée continue encore aujourd’hui de me tourmenter. Et à travers toutes les difficultés et tous les enjeux qui viennent avec la dépression, ceux du trouble alimentaire ne font qu’alourdir mon quotidien. Et ma seule volonté n’est pas assez forte pour y remédier.
Je sais que j’ai besoin d’aide, mais les ressources se font rares à cause de la Covid, et celles qui restent ne sont pas à la portée de toutes les bourses… je me sens dans une impasse et manque de force pour continuer de me battre. Surtout que je sais que cette bataille sera longue.
Bonjour Geneviève, merci pour ton précieux témoignage. Je suis certaine que plusieurs personnes peuvent se retrouver dans ce que tu as écris. C’est vrai que la peur de manger peut prendre beaucoup de temps avant de disparaître complètement… cependant, je semble comprendre que dans le passé, tu as réussi à trouver une forme d’équilibre dans ta vie et ça, c’est très important de le soulever!
Je lis que présentement, tu sembles te sentir impuissante face à la maladie et tu ne sais plus quoi faire pour t’en sortir. Sache qu’ANEB reste disponible pour toi en tout temps. Je vais t’inviter à te rendre sur le anebquebec.com pour voir l’ensemble de nos services: ligne d’écoute, clavardage de groupe, forum, groupes de soutien etc. Sache aussi que nos services jeunesses sont également accessibles pour les adultes jusqu’en décembre (temps de la pandémie, sujet à changement). Tu peux ainsi te rendre sur le anebados.com pour les services suivants: clavardage individuel et service de texto.
Pour les ressources, nous avons une liste complète de cliniques spécialisées, de services en ligne, psychologues, nutritionnistes etc. Tu peux te rendre au lien suivant: https://anebquebec.com/services/ressources-par-region
Prend soin de toi et surtout, n’hésite pas à nous contacter s’il y a quoi que ce soit.
Merci pour cet article. Voilà 24 ans que j’ai une relation complexe avec la nourriture. Cela a commencé à l’âge de 18 ans avec de très fortes nausées matinales, puis 2 ans plus tard par des vomissements incontrôlables le matin. Au fil des années la relation à évolué et j’ai commencé à éliminer les aliments qui me faisaient souffrir. Aujourd’hui, je fais toujours les même repas et je ressens trés souvent la faim. Mais ma peur de manger par peur de souffrir et de ressentir de fortes nausées, me fait parfois sauter des repas. Je sais d’où cela vient : d’évènements traumatiques non digérés. Mon rapport à la nourriture est trés complexe. Un mélange de frustration, d’envie et de peur. J’ai entamé un nouveau protocole thérapeutique qui semblerait pouvoir m’aider, l’EMDR. seulement je commence à être impatiente et à ne plus supporter ces douleurs et nausées qui me dépriment. Vais je un jour m’en sortir? je me le demande…
Bonjour Mounia,
Je vous remercie pour votre partage. Ça semble être souffrant pour vous. Vous êtes à la bonne place pour en parler et obtenir du soutien. Notre équipe est là pour vous, n’hésitez pas à utilisez nos différents services d’aide :
– Nous avons une ligne d’écoute & de référence que vous pouvez contacter en composant le 514 630-0907 (Montréal) ou le 1 800 630-0907 (ailleurs au Québec) entre 8h AM et 3h AM.
– Nous avons un service de texto qui est disponible du lundi au vendredi de 11h à 20h. Vous pouvez échanger avec un·e intervenant·e en écrivant au 1 800 630-0907.
– Nous avons un service de clavardage accessible en suivant le lien suivant : https://anebados.com/clavardage/. Ce dernier est disponible du lundi au vendredi de 16h à minuit et de midi à 21h la fin de semaine.
Prenez bien soin de vous!
Enfet c’est une peur de mange d’une cote ou d’une hypoathese que manger fait grossir epuis cette peur reste une periode puis je me dit c’est je dois manger epuis je reprend une semaine un peu manger sans arret apres la peur reviens
Bonjour,
Nous vous remercions pour votre commentaire et pour votre partage, c’est courageux de vous ouvrir là-dessus! Nous sommes désolés d’apprendre que vous rencontrez des difficultés avec votre alimentation. Nous souhaitons vous rappeler que l’équipe d’ANEB est là pour vous offrir du soutien. N’hésitez pas à nous contacter via l’un de nos services :
– Nous avons une ligne d’écoute & de référence que vous pouvez contacter en composant le 514 630-0907 (Montréal) ou le 1 800 630-0907 (ailleurs au Québec) entre 8h AM et 3h AM.
– Nous avons un service de texto qui est disponible du lundi au vendredi de midi à 20h. Vous pouvez échanger avec un·e intervenant·e en écrivant au 1 800 630-0907.
– Nous avons un service de clavardage accessible en suivant le lien suivant : https://anebados.com/clavardage/. Ce dernier est disponible du lundi au vendredi de 16h à minuit et de midi à 21h la fin de semaine.
– Nous offrons également des groupes de soutien ouverts et fermés. Vous pouvez trouver toutes les informations à ce sujet en suivant les liens suivants : https://anebquebec.com/services/groupe-de-soutien-ouverts/groupe-pour-ta & https://anebquebec.com/services/groupe-de-soutiens-fermes
Prenez bien soin de vous!